Brevets sur le logiciel

Rétrospective de l'année 2004 sur les brevets logiciels

De l'avis de nombreux eurodéputés, jamais une directive n'avait jusque là suscité autant de participation citoyenne. En effet la directive sur les brevets logiciels, officiellement « Directive COM 2002/0047 (COD) sur la brevetabilité des inventions mises en oeuvre par ordinateur », a soulevé en cette année 2004 une mobilisation accrue et connu de nombreux rebondissements.

Après l'adoption en septembre 2003 de nombreux amendements par le Parlement européen, fixant des limites claires à la brevetabilité en interdisant de fait les brevets sur les logiciels et les méthodes d'affaires, sans empêcher pour autant qu'une véritable invention contrôlée par ordinateur ne puisse être brevetée, on attendait avec impatience la position commune du Conseil de l'Union européenne, second acteur dans la procédure de codécision s'appliquant à cette directive.

Dès le début de l'année 2004, le Groupe de travail « brevets » du Conseil publie un document ne reprenant aucun des amendements essentiels du Parlement européen. Pire encore, cette version instaure pour la première fois la possibilité de déposer des revendications de programmes, porte ouverte à la brevetabilité de tout logiciel. Rien de très étonnant dans cette position extrémiste puisque les membres de ce groupe de travail sont ceux-là même qui siègent aux Conseils d'administration de l'Office européen des brevets et dans les offices nationaux.

Les opposants aux brevets logiciels, sous l'impulsion de la FFII, organisent, en avril, une manifestation à Bruxelles, suivie par près dun millier de supporters arborant tshirts jaunes et slogans tels que « NON aux brevets logiciels » ou « Le pouvoir au Parlement ».

Malgré cette mobilisation et les conférences de très haut niveau ayant succédé au défilé, le Conseil « Compétitivité » aboutit le 18 mai à un accord politique dans des conditions douteuses.

Alors que de nombreux « petits » pays s'étaient rangés derrière l'Allemagne, qui peu de temps avant la session avait affirmé son opposition aux brevets logiciels et rédigé un amendement en ce sens, au dernier moment, la délégation allemande s'entend avec la Commission européenne pour retirer la substantifique moëlle de cet amendement. Dans la confusion, beaucoup de pays de l'Est, entrés depuis le début du mois dans l'Union européenne, continuent à suivre l'Allemagne, se laissant abuser par les formulations trompeuses du texte.

L'Irlande, véritable paradis fiscal de la « Propriété intellectuelle » et comptant Microsoft parmi les sponsors officiels de la présidence de l'UE qu'elle assure pour le premier trimestre 2004, fait pression sur le Danemark pour obtenir son approbation, ce qui permet d'atteindre une majorité qualifiée, sans même demander son avis à la délégation polonaise.

Plusieurs représentants ont donné leur accord lors de cette réunion du Conseil Compétitivité en allant à l'encontre des avis de leurs propres gouvernements ou parlements nationaux. C'est le cas de la Hongrie, qui se justifie en invoquant une panne de fax. Les Pays-Bas quant à eux, plaident pour « une erreur de traitement de texte » !

C'est sans compter sur l'attachement à la démocratie dont font preuve les partisans de la non-brevetabilité des logiciels. Aux Pays-Bas, une motion est votée le 1er juillet à la Tweede Kamer (parlement néerlandais) pour que le gouvernement revienne sur sa position et sabstienne en cas de nouveau vote.

Des manifestations s'organisent à travers l'Europe pour dénoncer l'accord trompeur du Conseil et réclamer une renégociation du texte. En France, un cortège de plus d'un millier de personnes défile le long du canal Saint-Martin le 29 mai, en s'associant à une protestation festive contre d'autres lois concernant Internet, qualifiées de « liberticides », telle que la Loi sur la confiance dans l'économie numérique (LcEN), ou celle sur le droit dauteur (EUCD).

La position du gouvernement français reste cependant ambigüe. Dès l'accord du 18 mai, il déclare que son objectif est d'aboutir à une clarification du droit des brevets, limitant strictement la brevetabilité pour éviter qu'elle ne s'étende comme aux États-Unis aux algorithmes et aux méthodes d'affaires. Pourtant, les représentants français continuent de croirent aveuglément que le texte qu'ils ont approuvé le 18 mai remplit ces objectifs, alors qu'il existe d'ores et déjà de nombreuses analyses démontrant l'inverse.

On ne tarde pas à comprendre cette position paradoxale, lorsqu'au détour d'un manifeste pour les brevets produit par le Medef - ou plus exactement par des partisans de longue date d'une brevetabilité illimitée -, on s'aperçoit que l'avis de la délégation française a été dicté par les conseillers en « Propriété intellectuelle » des grandes entreprises et par l'INPI, l'office français délivrant des brevets.

Dans toute lEurope, les partisans d'une non-brevetabilité du logiciel alertent les gouvernements et parlements nationaux avec l'envoi d'un « Appel urgent » de la FFII. Par ailleurs, ils réaffirment leur soutien à la démocratie parlementaire en lançant une campagne de sensibilisation sur le dossier des brevets logiciels auprès des eurodéputés candidats aux élections européennes de juin, qui ont vu se renouveler le Parlement d'une Union européenne élargie à 25 membres.

À l'automne, le 24 septembre est l'occasion de célébrer le premier anniversaire du vote éclairé du Parlement européen et l'on y voit se multiplier les bannières et les messages de soutien sur les sites webs. Peu de temps après, la campagne NoSoftwarePatents.com, au ton à la fois agressif et didactique, vient renforcer les rangs de ces partisans de la non-brevetabilité logicielle.

Et ces derniers voient leurs actions peu à peu se concrétiser. Les députés du Bundestag (parlement allemand), toutes tendances politiques confondues s'allient dans leur opposition au texte du Conseil de l'UE en proposant une motion unitaire. Le gouvernement polonais, après avoir consulté son office des brevets, des grandes et petites entreprises informatiques, des syndicats du secteur et des associations militant contre les brevets logiciels, déclare officiellement qu'il lui est impossible d'approuver un tel texte. De nouvelles conférences sont organisées au Parlement de Bruxelles, invitant notamment d'illustres universitaires et acteurs professionnels de l'économie informationnelle des USA, à venir témoigner des ravages des brevets sur les logiciels et les méthodes d'affaires, dont le dépôt est autorisé dans leur pays. Enfin, la nomination de Michel Rocard comme rapporteur de la directive sur les brevets logiciels au Parlement européen est accueillie avec joie par ceux qui ont pu suivre en 2003 ses prises de position, défendant le partage des connaissances contre l'appropriation monopolistique. Il succède à la députée travailliste britanique, Arlene McCarthy, très proche de « l'establishment des brevets », ce qui permet d'espérer voir se confirmer à l'avenir l'opinion anti-brevets logiciels du Parlement.

Pendant ce temps, le sujet intéresse de plus en plus les médias. Il ne se passe pas une semaine sans qu'il ne soit rapporté d'actualités liées aux brevets logiciels : procès se multipliant aux USA (Eolas et le streaming vidéo, Microsoft et le système de fichiers FAT, Forgent et le format d'image JPEG, etc.), brevets accordés sur des fonctionnalités triviales (Microsoft et le double-clic ou l'utilisation des pronoms en programmation, etc.). On voit également lors de la décision de la Commission européenne dans le procès anti-trust contre Microsoft, étant donné la proportion ridicule de l'amende par rapport au chiffre d'affaires de la multinationale, ainsi que la longueur de la procédure, insoutenable pour une petite entreprise, que ces procès anti-concurrentiels ne règlent aucun des problèmes que soulèvent les brevets logiciels sur l'interopérabilité.

Dans l'autre camp, les promoteurs d'une brevetabilité illimitée ne ménagent pas non plus leurs efforts. L'EICTA, organisation regroupant des grandes entreprises du secteur des technologies de linformation et de la communication, multiplie les prises de positions publiques pour soutenir l'accord du Conseil. En coulisses, elle fait pression sur les États membres pour quils ratifient cet accord au plus vite. Mais alors que l'EICTA affirme représenter l'opinion des entreprises, plusieurs sociétés membres de l'organisation déclarent prendre leurs distances avec cette doctrine pro-brevets logiciels.

Par ailleurs, les Pays-bas, qui assurent la présidence de l'UE durant le second semestre 2004, usent de pressions diplomatiques pour que la Pologne taise ses velléités d'opposition au texte du Conseil. En novembre, la présidence néerlandaise finit par publier l'exposé des motifs devant accompagner le texte sur lequel les membres du Conseil se sont accordés depuis déjà 6 mois. Le contenu de cet exposé est éclairant : les arguments oscillent entre ce qui a été depuis longtemps démystifié -- les ADPIC exigeraient des brevets logiciels, alors qu'à l'inverse ils exigent que les logiciels soient régis par les droits d'auteur -- et le comble de labsurde -- les politiciens ne devraient pas changer la pratique établie de lOffice européen des brevets, qui, rappelons-le, a déjà accordé des dizaines de milliers de brevets logiciels, contrairement à ce que stipule le droit européen dont dépend l'Office. Force est de constater qu'avec des motifs si explicites, les positions ambigües, telles que celle du gouvernement français, ne peuvent plus être de mise.

C'est dans ce climat tendu que le Conseil programme finalement pour la fin de l'année, l'adoption formelle d'une position commune entérinant l'accord politique conclu le 18 mai. Après de nombreux reports, officiellement dûs aux délais de traduction, le texte est supposé passer sans discussion, en tant que « point A », selon la terminologie des procédures législatives européennes, dans l'une des deux dernières réunions du Conseil pour cette année. Jusqu'au dernier jour, des informations contradictoires annoncent que l'adoption se fera au Conseil sur l'environnement, puis à celui sur l'agriculture et la pêche.

S'il est tout à fait légal et habituel de programmer l'approbation formelle dun texte ayant fait l'objet dun accord politique à une réunion du Conseil sans rapport avec le sujet concerné, les partisans de la non-brevetabilité logicielle rappellent que cet accord-ci ne bénéficie plus de majorité qualifiée. Ceci depuis que les pondérations des votes au Conseil ont changé, suite à l'entrée en vigueur du Traité de Nice, le 1er novembre. De plus, les délais pour mettre ce texte à l'ordre du jour, n'ont pas été respectés, laissant ainsi bien peu de temps aux parlements nationaux pour exprimer un éventuel point de vue, ce qu'incite fortement le Traité d'Amsterdam mettant en place la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC). Ce qui est dailleurs confirmé par l'urgence avec laquelle le parlement néerlandais se réunit la semaine précédant la session du Conseil pour réaffirmer son désaccord. Ajoutons à cela, que seul le texte du Conseil a été traduit dans les 20 langues maintenant officielles de l'UE, la proposition initiale de la Commission européenne et lavis en première lecture du Parlement n'étant disponibles que dans les 11 langues en vigueur jusqu'à l'entrée cette année des pays de l'est.

Rappelant ces points de procédure, ainsi que, bien entendu, l'opposition croissante que suscite le contenu du texte du Conseil, la FFII lance une nouvelle manifestation en ligne, le week-end précédant la réunion. Partout en Europe, des courriels et des fax sont envoyés aux ministères de l'agriculture dans chaque pays, intimant de ne pas laisser passer un texte si litigieux sans discussion.

Le 21 décembre, le point sur les brevets logiciels qui devait être adopté le matin est finalement programmé pour l'après-midi. L'Allemagne y envoie un diplomate en lieu et place de son ministre de l'agriculture, avec comme instructions de refuser le texte. Pendant ce temps, sa collègue ministre de la justice, laisse entendre lors d'un échange sur Internet, que l'accord pourrait être renégocié.

Ce n'est pas non plus son ministre de l'agriculture qui représente la Pologne, mais un membre du ministère de l'informatisation, Wlodimierz Marcinski. Et c'est ce dernier qui se lève courageusement pour demander un report du dossier sur les brevets logiciels, officiellement pour avoir le temps de rédiger une déclaration unilatérale. Mais il prend soin de préciser le désaccord de la Pologne avec tout texte autorisant de fait les brevets logiciels.

Cette très dense année 2004 s'achève donc sur une note positive pour les partisans de la non-brevetabilité des logiciels. L'année 2005 s'annonce non moins intense, avec tout d'abord l'adoption d'une position commune de la part du Conseil, qui on peut l'espérer, renégociera un texte plus conforme à l'opinion exprimée par le Parlement le 24 septembre 2003, en rupture avec la position à l'extrême opposé à laquelle le Conseil était parvenu le 18 mai 2004. À la suite de quoi, le texte reviendra pour une seconde lecture au Parlement européen, au sein duquel le lobbying a déjà commencé, le vote en seconde lecture exigeant une forte majorité pour faire passer des amendements.

À moins que les eurodéputés ne demandent à la Commission de leur soumettre à nouveau une proposition pour que la procédure redémarre depuis le début. Ce serait là une façon élégante de sortir de l'opposition actuelle laissant peu de place à un éventuel compromis entre Parlement et Conseil, permettant à se dernier de ne pas se désavouer malgré les grossières erreurs quil a commises sur ce dossier. À suivre donc, et de près...

Gérald Sédrati-Dinet (vice-président de la Foundation for a Free Information Infrastructure (FFII))

Brevets sur le logiciel (numéro 12 du 11 février 2004)

Olivier Mansour a signalé sur LinuxFr que la Société de Services en Logiciels Libres (SSLL) Clever Age a publié une chronique sur l'avancement du débat autour de la directive européenne sur les brevets logiciels. Toujours sur LinuxFr, « IBM brevète une méthode de rémunération des développeurs d'Open Source ». La Foundation for a Free Information Infrastructure (FFII) a aussi publié un point sur les dernières informations sur le sujet (300 000 signatures pour la pétition et le Second appel à actions par exemple) et soumis une objection sur le brevet sur les cadeaux d'Amazon.

Directive européenne sur les brevets (numéro 13 du 22 avril 2004)

Après le rassemblement du 8 mars, une nouvelle manifestation à Bruxelles a été organisée le 14 avril pour protester contre l'attitude du conseil des Ministres qui rejette les amendements votés par le Parlement. Une conférence est également prévue le même jour au parlement. Concernant le brevet EOLAS sur les greffons web, le W3C a publié un rapport réclamant sa réexamination. Le bureau des brevets a pris une décision préliminaire d'invalidation de ce brevet. PUBPAT a choisi d'attaquer le brevet de Microsoft sur le système de fichiers FAT. Enfin, l'OCDE publie un rapport mettant en garde contre les dangers des brevets.

EDRI-gram 2.3 à 2.8 (numéro 13 du 22 avril 2004)

Au sommaire des derniers numéros de l'EDRI-gram (lettre sur les droits civiques dans l'espace numérique), il est notamment question, dans le numéro 2.3, des « Big Brother Awards » français et des directives européennes sur la brevetabilité des logiciels et IPR Enforcement ; le numéro 2.4 de l'omniprésente IPRE et du procès antitrust contre Microsoft ; le numéro 2.5... d'IPRE ; le numéro 2.6 de la sanction dans le procès antitrust ; le numéro 2.7 de la LEN ; et le numéro 2.8 de la manifestation contre les brevets sur le logiciel à Bruxelles, du cas Netfilter sur la GPL en Allemagne et bien sûr d'IPRE. Parmi les autres sujets régulièrement traités dans ces numéros se trouvent le spam/pourriel, le vote électronique, les tags RFID, etc.

Directive européenne sur les brevets (numéro 14 du 15 mai 2004)

La Foundation for a Free Information Infrastructure (FFII) a organisé diverses manifestations dans les capitales européennes, notamment à Bruxelles et Paris, pour attirer l'attention sur le Conseil des Ministres qui envisage de contourner le Parlement. Christine Tréguier a publié un article sur ZDNet France sur « le bras de fer (qui) se poursuit entre Parlement et Conseil européens ». L'Association française des Producteurs d'Oeuvres Multimédia (APOM), qui revendique 80% des producteurs français de jeux vidéo, a écrit une lettre ouverte au Premier Ministre pour évoquer son opposition à la brevetabilité du logiciel. Des éditeurs français indépendants de logiciels ont écrit au Président français pour lui faire part de leur très vive inquiétude face à la position du représentant de son gouvernement concernant la brevetabilité des logiciels. Pendant que les débats se poursuivent en Europe, Gérald Quintana fait remarquer sur LinuxFr que la société texane Forgent Networks revendique la paternité du format d'images JPEG grâce à un brevet américain, et Philippe Aigrain sur la liste escape_l que l'office américain des brevets ne peut plus faire face aux dépôts, à l'instar de son jumeau européen.

Directive européenne sur les brevets (numéro 15 du 13 juin 2004)

Le Conseil européen a validé le texte sur la brevetabilité des logiciels (voir aussi l'analyse détaillée par Philippe Aigrain). Le projet de directive doit encore repasser par le Parlement. Comme le souligne Christine Tréguier pour ZDNet, « La France a choisi de la soutenir (la position du Conseil), entérinant de fait le lâchage du Parlement européen. » (oubliant les promesses du président français durant sa dernière campagne). Le Confédération Européenne des Associations de PME (association regroupant plus de 500000 PME européennes), le consortium ObjectWeb et la Foundation for a Free Information Infrastructure (60000 soutiens, 1000 entreprises), ainsi que des membres du Parlement ont appelé les gouvernements des États membres à inverser la décision du Conseil. L'Espagne a aussi fait savoir qu'elle rejetait cette décision.

Brevets logiciels (numéro 15 du 13 juin 2004)

L'obtention d'un brevet sur le clic par Microsoft aux États-Unis n'est pas passée inaperçue dans la presse, avec des articles dans les quotidiens français Libération et Le Monde. Un brevet sur la liste des tâches (« TODO list ») à faire est aussi cité par News.com et Slashdot. ZDNet se demande d'ailleurs si l'Office européen des brevets (ne serait pas) moins regardant sur la qualité des demandes, tandis que Libération parle de « l'exemple repoussoir des États-Unis qui doivent faire face à de nombreuses actions juridiques », et dont l'office des brevets ne peut pas non plus faire face aux demandes (voir Sélection n°14). L'Electronic Frontier Foundation organise un concours des plus mauvais brevets, et la FFII un concours de la meilleure vidéo contre la brevetabilité des logiciels.

Élections européennes (numéro 15 du 13 juin 2004)

La Foundation for a Free Information Infrastructure (FFII) a lancé une action visant à pousser les candidats aux élections européennes à prendre position sur la brevetabilité du logiciel. Le site candidats.net invite les candidats pour la France à répondre par oui ou par non à trois questions sur la brevetabilité du logiciel, la transposition de la directive européenne sur le droit d'auteur (EUCD) et le logiciel libre dans les administrations. L'APRIL a publié une analyse des programmes des listes présentes en France. Un collectif brestois vient d'envoyer une lettre ouverte aux candidats des élections européennes de la région Ouest française. Alan Cox a aussi publié une lettre ouverte à propos des brevets logiciels et des élections. Le consortium ObjectWeb a écrit à tous les candidats français son inquiétude à propos des brevets sur le logiciel. Enfin une base de données interrogeable permet de savoir par pays, région et parti politique comment les députés européens ont voté les amendements sur la brevetabilité.

Batailles dans l'immatériel (numéro 15 du 13 juin 2004)

Le 29 mai a eu lieu une manifestation à Paris qui a rassemblé entre 1000 et 1300 personnes pour protester contre un ensemble de textes législatifs en préparation ou d'ores et déjà adoptés (loi de confiance dans l'économie numérique (LEN), la loi Informatique et Libertés, le paquet Télécoms, loi sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information (DADVSI), la directive relative à la brevetabilité des inventions mises en oeuvre par ordinateur, etc.). Organisée et soutenue par de nombreuses associations ainsi que des partis politiques et des syndicats, la manifestation a été couverte par de nombreux médias. La FSF France a écrit une lettre ouverte au Premier ministre français et à son Ministre de la Culture pour demander un report de la transposition de la DADVSI. ZDNet rapport les propos d'un « officier supérieur de l'armée (qui) tire à boulets rouges sur la LCEN », qui fait d'ailleurs l'objet d'une saisine du Conseil constitutionnel par l'opposition. L'association Imaginons un réseau Internet solidaire (IRIS) et la Ligue des Droits de l'Homme ont adressé leurs observations au Conseil constitutionnel, et Reporters Sans Frontières (RSF) nous apprend aussi que le ministre délégué à l'Industrie « fait confiance à la jurisprudence pour régler les "ambiguïtés" de la LEN »...

EDRI-gram 2.10 et 2.11 (numéro 15 du 13 juin 2004)

Au sommaire des numéros 2.10 et 2.11 de l'EDRI-gram (lettre sur les droits civiques dans l'espace numérique), il est notamment question de la directive européenne sur la brevetabilité des logiciels, de la loi française sur la confiance de l'économie numérique (LCEN) et des licences Creative Commons pour la BBC Creative Archive.

Brevets logiciels (numéro 16 du 27 juillet 2004)

Le brevet sur la compression LZW qui concernait notamment le format GIF est arrivé à expiration le 7 juillet dans tous les pays. Le parlement néerlandais a obligé le ministre Brinkhorst à retirer son soutien à la directive européenne sur les brevets logiciels. « Une tempête politique se déclenche suite à ce vote en Allemagne et au Danemark, amenant à reconsidérer les votes de la Pologne et du Portugal ». Le Medef a publié un manifeste en faveur des brevets logiciels, qui a donné lieu à une réponse bien sentie de la Foundation for a Free Information Infrastructure (FFII) intitulée « Les cabinets en propriété industrielle des grandes entreprises et l'INPI dictent-ils la politique du gouvernement français sur les brevets logiciels ? ». Jean-Paul Chiron a été interviewé par le Journal du Net durant les Rencontres Mondiales du Logiciel Libre : « si les brevets logiciels passent, le terrorisme juridique sera la règle en Europe ». La Free Software Foundation Europe a écrit une lettre ouverte à l'Institut Frauenhofer, connu pour ses brevets sur le MP3, pour évoquer les dangers des brevets.

Brevets logiciels (suite) (numéro 16 du 27 juillet 2004)

François Letellier, du consortium Objectweb, a écrit une tribune pour le Journal du Net ayant pour titre « Pourquoi les brevets logiciels menacent l'industrie européenne ». Philippe Davy a signé dans le magazine 01 Informatique un article intitulé « Brevets logiciels contre sens commun ! » : « La manière dont a été élaborée la directive européenne sur la brevetabilité des logiciels nous offre l'exemple le plus affligeant du danger que représentent les groupes de pression ». François Pellegrini a publié une « analyse des articles de la directive votée par le Conseil de l'Union Européenne ». La FFII lance un « appel urgent aux gouvernements et parlements nationaux ». Microsoft a déposé un brevet sur l'utilisation des pronoms en programmation. Et aussi les classiques procès autour des brevets, cette fois-ci avec Microsoft et Apple sur « la mise à jour automatique des logiciels basée sur un site web ».

Brevets logiciels (numéro 17 du 18 août 2004)

La Free Software Foundation Europe a envoyé une lettre ouverte à IBM pour évoquer les dangers des brevets. Une action « Cartes postales » pour sensibiliser les députés au sujet a été lancé durant l'été par la FFII (Association pour une infrastructure de l'information libre). Khane a publié sur LinuxFr une nouvelle intitulée « Le droit d'écrire », vision sombre d'un monde sous contrôle des brevets. L'OSRM (Open Source Risk Management) a signalé que le noyau Linux pourrait violer 283 brevets non encore validés. Mais que les développeurs se rassurent, Microsoft n'envisagerait pas de les poursuivre pour violation de brevets, et IBM non plus... John Carmack (célèbre développeur de jeux chez Id Software) a lui aussi des soucis avec un brevet sur un algorithme d'imagerie 3D. Forgent Networks Inc a obtenu de Adobe et Sony des compensations pour la violation de son brevet sur le format JPEG. Et la ville de Munich attire l'attention du Parlement européen sur le projet de directive, même si elle se veut rassurante sur sa migration en cours vers le libre.

EDRI-gram 2.12 à 2.15 (numéro 17 du 18 août 2004)

Au sommaire des derniers numéros de l'EDRI-gram, la lettre sur les droits civiques dans l'espace numérique, il est notamment question dans le numéro 2.12 des élections européennes, de la Loi sur la Confiance dans l'Économie Numérique, d'un possible procès antitrust contre Microsoft en Bulgarie, d'une nouvelle bibliothèque d'Alexandrie, l'Internet Archive, du rejet de l'extension de la durée des droits d'auteur à 70 ans en Russie et de la Bulgarie qui se tourne vers le libre ; dans le numéro 2.13, de la Commission européenne qui lance le INDICARE pour rendre les DRM (« Digital Rights/Restrictions Management ») plus acceptable, du rapport de la réunion préparatoire du Sommet Mondial sur la Société de l'Information (SMSI), des dix ans des accords TRIPS/ADPIC (Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce) et du rapport « Internet sous surveillance 2004 » de Reporters sans Frontières ; dans le numéro 2.14, des parlements nationaux qui défient le Conseil européen sur la directive sur les brevets sur les logiciels et du bilan des Rencontres Mondiales du Logiciel Libre 2004 ; enfin le numéro 2.15 traite en particulier de la migration vers le libre de Munich menacée par les brevets et d'une consultation publique sur les DRM lancée par la Commission européenne.

Brevets logiciels (numéro 18 du 22 septembre 2004)

La FFII (Association pour une infrastructure de l'information libre) a lancé fin août un appel à tous ses supporters à envoyer des cartes postales aux représentants politiques pour les sensibiliser à la question des brevets sur le logiciel. Une conférence sur les brevets logiciels est organisée à Luxembourg le 27 septembre avec Pierre Kihn et Richard M. Stallman. La Fondation Apache, le projet Debian et l'Internet Engineering Task Force, la Free Software Foundation et l'Open Source Initiative, ainsi que la plupart des projets de serveurs de courriel libres ont rejeté la spécification pour le courriel Sender-ID de Microsoft, en raison des brevets déposés et de la licence imposée par la société de Redmond. Le journal français L'Humanité a publié une « série d'articles traitant de l'Internet, des logiciels libres, des brevets logiciels, de la LEN et consorts, ainsi que de l'industrie du disque ».

Brevets logiciels (suite) (numéro 18 du 22 septembre 2004)

Thomas Petazzoni a évoqué sur LinuxFr deux articles des quotidiens français Le Monde et Libération, « Le commerce des e-brevets » de Jean-Marc Manach et « Propriété intellectuelle : les pays du Sud se rebellent » de Florent Latrive. Le commissaire européen Bolkestein qui réclame des brevets sur les logiciels pense que la « propriété intellectuelle » sur la forme des pièces automobiles ne devrait pas s'appliquer car une « poignée de gros constructeurs automobiles avec d'énormes ressources (...) essaient de saper les intérêts de la multitude. » Bernard Lang signale sur la liste escape_l que la direction générale à la Société de l'Information de la Commission Européenne reconnaît l'illégalité des pratiques de l'Office Européen des Brevets et lance, mais un peu tard, une étude sur les effets de la brevetabilité du logiciel. Richard Stallman a lancé un appel à combattre les brevets logiciels - Individuellement et collectivement.

Batailles autour de l'immatériel (suite) (numéro 18 du 22 septembre 2004)

Bernhard Reiter de la FSF Europe a été interviewé par Tom Chance et s'est exprimé notamment sur les brevets logiciels et les DRM. Jean-Baptiste Soufron évoque la limitation de la portée du Digital Millenium Copyright Act (DMCA) par une cour américaine : « le public devrait pouvoir désactiver les dispositifs anti-contournement pour exercer les droits qui leurs sont reconnus par les lois sur le copyright ». Florent Latrive signale un jugement surprenant : « un sample, même non reconnaissable, même très court et même remixé, est illégal aux États-Unis sans autorisation des ayant-droits ». Philippe Aigrain a signalé la traduction en français de la Déclaration de Genève prononcée par « des ONG et intellectuels (...) pour demander à l'OMPI de réorienter fondamentalement ses missions et ses actions. » Un accord entre les États-Unis et le Chili tend à assouplir les conditions d'applications du DMCA au Chili.

EDRI-gram 2.16 à 2.18 (numéro 18 du 22 septembre 2004)

Au sommaire des derniers numéros de l'EDRI-gram, la lettre sur les droits civiques dans l'espace numérique, il est notamment question dans le numéro 2.16 de l'ouverture d'une enquête de la Commission européenne sur le projet d'acquisition conjointe de ContentGuard (autour des DRM, les mesures de contrôle sur les oeuvres numériques) par Microsoft et Time Warner, et de la rétention de données ; dans le numéro 2.17, encore de la rétention de données, des brevets sur le logiciel et de la transposition de la directive européenne sur le droit d'auteur (EUCD) en Allemagne ; enfin le numéro 2.18 traite en particulier de la consultation européenne sur le DRM, du millionième article de l'encyclopédie libre Wikipedia et encore et toujours de la rétention de données.

Brevets logiciels (numéro 19 du 13 novembre 2004)

Richard Stallman a donné une conférence à Paris 1er octobre sur les brevets logiciels (voir le compte-rendu de Sébastien Blondeel). Le brevet Microsoft sur le système de fichiers FAT a été rejeté par l'office américain des brevets, grâce à la Public Patent Foundation. Kodak a attaqué Sun pour violation de brevets logiciels par le langage Java et réclamait un milliard de dollars de dommages et intérêts ; finalement Sun a mis fin au litige avec 92 millions de dollars, suivi par Microsoft, Hewlett-Packard et IBM. Les 9 et 10 novembre ont eu lieu des conférences autour des brevets logiciels au Parlement européen. Les différents partis du parlement allemand ont déposé des motions s'opposant aux brevets sur les logiciels. L'EICTA (European Information and Communication Technology Association), regroupant des grands fournisseurs informatiques milite pour la brevetabilité du logiciel en Europe. « Le Parlement européen durcit le ton sur les brevets logiciels », en nommant Michel Rocard nouveau rapporteur de la directive sur « la brevetabilité des inventions mises en oeuvre par ordinateur », en remplacement d'Arlene Mc Carthy (voir aussi la dépêche FFII.fr).

Brevets logiciels (suite) (numéro 19 du 13 novembre 2004)

Florent Latrive signale dans le quotidien français Libération que l'Office Européen des Brevets (OEB) est submergé et que les délais d'examen s'allongent. Le mensuel Alternatives Économiques a publié un article intitulé « Les brevets bloquent la recherche ». Une campagne a été lancée contre les brevets logiciels via le site NoSoftwarePatents.com, soutenue par 1&1, Red Hat et MySQL AB. Novell compte utiliser ses brevets pour protèger les logiciels libres. Au Royaume-Uni, des opposants aux brevets logiciels demande un recomptage des voix des États membres sur le dossier (voir aussi « Protecting Innovation from the Threat of Software Patents »). La FFII publie ses propositions politiques pour sortir l'Europe des brevets logiciels. Florent Latrive signale dans le quotidien français Libération que l'Office Européen des Brevets (OEB) est submergé et que les délais d'examen s'allongent. Xavier Roche a signalé sur la liste fsfe-france « une étude du ministère de l'économie des Pays Bas, réalisée par PriceWaterhouseCoopers, qui traite notamment des risques liés aux brevets logiciels » (fin du taux élevé d'innovation, désavantage pour les PME, etc.).

EDRI-gram 2.19 à 2.21 (numéro 19 du 13 novembre 2004)

Au sommaire des derniers numéros de l'EDRI-gram, la lettre sur les droits civiques dans l'espace numérique, il est notamment question dans le numéro 2.19 des fournisseurs d'accès Internet néerlandais qui suppriment sans vérification un contenu dans le domaine public, de censure sur le web en Allemagne, des puces RFID, de la nouvelle Commission européenne, des Big Brother Awards suisses, de la conférence de l'Organisation Mondiale sur la Propriété Intellectuelle, du spam/pourriel ; dans le numéro 2.20 des DRM, de la conférence FIPR sur le droit d'auteur à Cambridge, du report de l'examen de la directive sur les brevets logiciels, des Big Brother Awards néerlandais et du programme « Internet Safer Plus » ; et enfin dans le numéro 2.21 de la réponse de l'EDRI, co-signée par 19 autres associations, à la consultation européenne sur le droit d'auteur, des Big Brother Awards en Autriche, Allemagne et Espagne, d'identifiants ajoutés secrètement sur les impressions, d'une revue de code d'urne électronique en Irlande, des 15000 lobbyistes à Bruxelles et de la LEN française utilisée pour faire disparaître des sites web.

Brevets logiciels (numéro 20 du 07 février 2005 (nov./déc. 2004))

Mi-novembre, la Pologne a retiré son soutien au texte du Conseil de l'Union Européenne, qui ne dispose alors plus d'une majorité favorable. Linus Torvalds (Linux), Michael Widenius (MySQL) et Rasmus Lerdorf (PHP) ont lancé un appel au Conseil pour demander une renégociation du texte. Le 8 décembre, le ministre belge aux affaires économiques annonçait qu'« un vote du Conseil sur les brevets logiciels n'aurait pas lieu en 2004, faute de majorité qualifiée » et que le processus d'examen de la directive pourrait repartir de zéro. Le Conseil a ensuite tenté de faire passer la décision en catimini durant une réunion sur l'agriculture et la pêche... Le sous-secrétaire d'État polonais est venu en personne au Conseil de l'Agriculture pour demander explicitement le retrait du vote de l'agenda. Le site ThankPoland.info remerciant la Pologne a d'ailleurs été mis en place. Dans un article intitulé « Monopole sur l'Esprit » The Economist souligne les dysfonctionnements des système de brevets américains et européens.

EDRI-gram 2.22 à 2.25 (numéro 20 du 07 février 2005 (nov./déc. 2004))

Au sommaire des derniers numéros de l'EDRI-gram, la lettre sur les droits civiques dans l'espace numérique, il est notamment question dans le numéro 2.22 des brevets logiciels et de pourriel; dans le numéro 2.23 du fournisseur d'accès Internet Tiscali obligé de déconnecter les utilisateurs de P2P, du procès antitrust et du spam ; dans le numéro 2.24 encore des brevets logiciels, et de la Loi française pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) ; et dans le numéro 2.25 toujours des brevets logiciels et du procès antitrust.

Publications (numéro 20 du 07 février 2005 (nov./déc. 2004))

Un long entretien de Richard Stallman avec Federico Biancuzzi (spécialiste BSD) est paru sur linuxdevcenter.com (O'Reilly Network), et traite de nombreux sujets (l'utilisation d'un programme propriétaire pour la gestion du code source du noyau Linux, Java et Solaris, la licence BSD, l'opportunité d'une hypothétique loi obligeant la divulgation des codes source, l'utilité des développements libres pour les systèmes propriétaires, les pilotes binaires, Hurd, la terminologie, MacOS X et Darwin, les attaques de Microsoft, les évolutions de GCC, etc. Bruno Lemaire et Bruno Decroocq ont publié un article intitulé « Logiciels libres : free as a beer ; Valeurs du Libre, valeurs de l'entreprise : une hybridation impossible ? » où ils analysent les différences fondamentales qui séparent les modèles économiques du libre et des entreprises. Loïc Danterroches a diffusé sur Framasoft un article intitulé « Logiciel libre et entreprise ». Christophe Espern a écrit « La mauvaise réputation ou quand savoir devient faire » qui traite d'un article de la Loi française sur la Confiance dans l'Économie Numérique (LCEN) inversant la charge de la preuve en matière de fraude informatique. Jérémie Zimmermann a diffusé son compte-rendu de la conférence FLossPols « Open Standards and Libre Software in Government » qui s'est tenue le 18 novembre à La Haye, et celui de la conférence « Regulating Knowledge - Software Patents », quelques jours plus tôt à Bruxelles. Miguel Quaremme a écrit « Une introduction philosophique au copyleft ». Le Free Software Magazine est une revue disponible en version électronique et papier composée d'articles sous une licence libre.