Rétrospective 2009 Entreprises et économie
En 2009, les choix économiques du Logiciel Libre ont été validés par plusieurs évènements. Le plus marquant a sans doute été la remise du prix Nobel d'économie à Elinor Ostrom. Les membres de l'académie ont voulu récompenser ses travaux portant sur l'efficacité économique de la gestion collective des biens communs. La manière dont les communautés du logiciel libre s'organisent pour se partager les travaux de développement, mutualiser les efforts légaux ou interagir avec le milieu économique sont une belle illustration des travaux de la nouvelle lauréate du Nobel d'économie.
La viabilité du Logiciel Libre a également été reconnue par The Economist. Ce magazine économique de référence défendant une vision libérale de la société a consacré en mai 2009 deux articles à l'économie du Libre (A new fight over openness looms et The boom in open-source software): comparant les éditeurs de logiciels des années 1980 à celui du trafic de drogue, l'hebdomadaire affirme que le « Logiciel Libre a remporté le débat ».
Enfin, les milieux financiers ont fait rentrer la société Red Hat, éditeur de deux distributions GNU/Linux (RedHat Entreprises et Fedora), dans l'indice boursier S&P 500 qui répertorie les 500 sociétés les plus puissantes du Dow Jones.
De très nombreuses études sont venues accréditer, si besoin était, cet engouement pour le Logiciel Libre. Son marché représenterait un chiffre d'affaire de plus de 1,5 milliards d'euro en France (d'après le cabient Pierre Audioin Consultants), il progressera d'ici à 2012 de plus de 16% (selon le cabinet d'étude Markess).
Qu'est-ce qui intéresse donc tant les entreprises dans le logiciel libre ? D'après l'étude de Survey Interactive, sponsorisée par Actuate, les principaux critères d'adoption sont la gratuité de la licence, le respect des standards et le fait que leurs solutions doivent être basées sur des plateformes ouvertes. De l'adoption de systèmes d'exploitation libres (qui a atteint 50% dans les entreprises de plus de 2000 salariés selon l'INSEE) à l'attrait des logiciels métiers libres (+109% pour les progiciels, +56% pour les besoins en Informatique décisionnelle, d'après l'observatoire du Logiciel Libre), les entreprises se tournent donc maintenant naturellement vers le libre.
On a pu ainsi remarquer cette année des migrations médiatiques : la société américaine Equitec Group a pu réduire ses infrastructures de 70% tout en augmentant les performances de son système d'information en migrant vers Ubuntu ; Alcatel-Lucent a abandonné le système d'exploitation VxWorks pour adopter GNU/Linux ; Informatique CDC, l'opérateur de services informatiques de la Caisse des Dépôts, de CNP Assurances, de la Caisse Nationale des Caisses d'Epargne, de Caceis et de NATIXIS, a décidé de migrer 1 200 postes utilisateurs vers la solution de bureautique OpenOffice ; ou le choix de PSA de s'orienter vers un projet libre, Squale, pour gérer les démarches de contrôle qualité logiciels.
Des plus gros ordinateurs du monde qui utilisent de plus en plus de systèmes d'exploitation libre (90% de part de marché d'après le Top 500), aux industries aéronautiques qui utilisent de plus en plus de couches libres (50% des projets d'Airbus se basent sur des logiciels libres *), le Logiciel Libre a tiré son épingle du jeu dans quasiment tous les secteurs. Deux secteurs ont particulièrement progressé cette année.
Le permier est la virtualisation : avec l'engouement pour le green computing, les entreprises ont cherché des solutions de virtualisation. KVM, Vserver, Xen ou VirtualBox, ... Les projets libres ne manquent pas et ont beaucoup attiré les entreprises. Le cabinet Gabriel Consulting Group s'est penché sur la question et a découvert que pour 77% des personnes interrogées les solutions libres réalisaient une meilleure utilisation des ressources et 66% des entreprises trouvaient qu'elles étaient plus faciles à administrer. Pour illustrer cette tendance, la migration opérée par Allianz Insurance Australia vers des solutions de virtualisation basée sur Red Hat a permis à ce groupe d'alléger sa facture électrique tout en réduisant ses frais de licences de 500 000 euros.
Le second secteur économique qui a beaucoup évolué vis-à-vis du Logiciel Libre est celui des télécoms et particulièrement de la téléphonie mobile. 2009 semble une année décisive : quasiment tous les constructeurs ont investi dans des projets proches du Logiciel Libre : Nokia qui avait déjà acquis Symbian, a lancé le projet Maemo qui équipe leur nouveau téléphone N9000; les premiers téléphones munis du système Android édité par Google ont été commercialisé en France ; les constructeurs Panasonic et Nec ont créé la fondation Limo, un consortium visant à créer un téléphone libre basé sur GNU/Linux.
Ces bonnes nouvelles ne doivent pas faire oublier les éléments plus polémiques de l'année. Le non respect d'un certain nombre d'entreprises des licences libres reste toujours un problème : en septembre dernier, la société Edu4 a été condamnée en France pour non respect de la licence GPL ; en novembre 2009, Orange s'est enfin décidé à publier les modifications des logiciels libres qu'ils utilisent depuis plusieurs années dans leurs livebox ; la société Free est toujours poursuivie par les auteurs des logiciels libres busybox et iptables pour ne pas avoir diffusé ses modifications de ces logiciels.
Enfin, le rachat par Oracle de Sun a fait couler beaucoup d'encre. La concentration des géants de l'informatique américaine génère des peurs légitimes. Le fait que Sun avait fait l'acquisition de MySQL AB en 2008, permet de se poser des questions sur la pérennité du modèle économique choisi par les créateurs de Mysql. Par contre, elle ne doit pas faire oublier que MySQL, quel que soit le propriétaire de la société qui lui a donné naissance, est un logiciel libre. Les 4 libertés qui lui sont donc associées sont inaliénables. Les entreprises qui utilisent, diffusent, étudient ou modifient ce logiciel ne se verront donc pas leurs activités remises en question.