Réduire l'empreinte environnementale du numérique : les libertés informatiques s'invitent dans les débats en commission

Les 25 et 26 mai 2021, la commission du développement durable de l'Assemblée nationale a étudié et amendé la proposition de loi issue du Sénat « visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France ». Plusieurs amendements ont permis d'inscrire les libertés informatiques dans les débats. Reprise des travaux en séance publique le 10 juin 2021.

L'amendement CD265 du rapporteur Vincent Thiébaut, adopté par la commission, reprend une proposition de l'April ; l'interdiction des techniques dont l'objet est de restreindre la liberté des consommateurs et consommatrices d'installer les logiciels de leur choix sur leurs équipements. L'amendement conditionne toutefois cette interdiction à l'expiration de la période de conformité légale de deux ans pour ne pas, selon le rapporteur, faire porter une responsabilité trop lourde aux « metteurs sur le marché ». Un argument qui semble difficilement pouvoir prospérer, sauf à considérer que ce régime de responsabilité est absolu et qu'en cas de litige un juge serait incapable de qualifier le comportement du consommateur ou de la consommatrice pour décider s'il suffit à renverser ou non le régime protecteur de la conformité légale. Une avancée en demi-teinte donc qui valide de façon indirecte ces pratiques privatives de liberté. Les amendements CD47 et CD123, qui reprenaient la proposition sans conditionnalité, ont respectivement été rejeté et non-soutenu. L'April appellera à la suppression de ce critère en séance publique.
Échange à partir de 01h19m00s

Après l’article L. 441‑5 du code de la consommation, il est inséré un article L. 441‑6 ainsi rédigé :
« Art. L. 441‑6. – Toute technique, y compris logicielle, dont l’objet est de restreindre la liberté d’un consommateur d’installer les logiciels ou les systèmes d’exploitation de son choix sur son bien, à l’issue du délai prévu à l’article L. 217‑12, est interdite ».

Les amendements proposant d'inscrire dans la loi l'ouverture des interfaces de programmation ont reçu un avis défavorable du rapporteur et ont été respectivement retiré (CD184), rejeté (CD161) et non-soutenu (CD109).

Le rapporteur a expliqué que permettre l'accès à ces interfaces pourrait faire peser un risque pour la sécurité des personnes dont les modifications pourraient, le cas échéant, impacter l'intégrité de leur matériel. Il prend ainsi l'hypothèse d'une surchauffe au niveau de la batterie. De prime abord l’argument peut sembler raisonnable, matériellement il semble impossible d'affirmer que de la bidouille ne puisse pas avoir d'effets indésirables, et potentiellement être dangereuse. Mais cette éventualité d'un risque – non mesuré – doit-il suffire à restreindre la liberté des utilisateurs et utilisatrices sur leurs propres équipements ? D'autant plus si l'on considère même qu'à l'inverse, en matière informatique la transparence est bien davantage prometteuse de sécurité ; plus il y a de monde en mesure d'étudier du code informatique, plus une potentielle faille ou anomalie est susceptible d'être observée, signalée et corrigée. Cette privation d'une liberté informatique essentielle, notamment pour la durabilité des équipements, ne saurait passer un calcul de proportionnalité qui exige qu'une restriction de liberté soit la plus limitée possible par rapport à l'objectif poursuivi. Si l'on ajoute à cela l'ambition, d'intérêt général, de « réduire l'empreinte environnementale du numérique » la seule réponse raisonnable doit être l'adoption de ces amendements garantissant l'accès aux interfaces de programmation. L'April appelle l'ensemble des parlementaires qui s'engagent sur cette proposition de loi à déposer et voter pour cet amendement en séance publique.
Échange à partir de 02h00m20s

L'amendement CD118, sur la fourniture des mises à jours, quoiqu' intéressant n'a pas été soutenu. Le CD83, pour une plus grande disponibilité dans le temps des « mises à jour nécessaires au maintien de la conformité des biens » a quant à lui été retiré.