Rapport PKM, la représentativité à « deux mois près »

Le vendredi 25 février 2011 le rapport de Pierre Kosciusko-Morizet relatif à la création du Conseil National du Numérique a été rendu public1. L'April trouve encourageante l'analyse précise et réaliste des enjeux du numérique qui y est faite, bien que la précipitation et les exigences politiques autour de la création du CNN fasse courir des risques à la pertinence du projet.

Rédigé en quelques semaines suite à la précipitation politique, il pose de nombreux points importants qui avaient été soulevés par l'April dans sa contribution au rapport. Ainsi, l'importance pour le CNN de ne pas être un rédacteur et contrôleur de chartes de déontologie entre les acteurs du numérique est soulignée. De même, comme le met très justement en exergue le rapport, le régulateur doit ainsi rester le parlement et le juge. Internet n'est pas en-dehors ni au-delà des lois, poursuit le rapport, « internet n’est pas le « far web ». L'internet n’est pas une zone grise dépourvue de toute législation »2. Ce rapport prend donc le contrepied de la « civilisation de l'internet » prônée par Nicolas Sarkozy, prétexte à de nombreuses mesures liberticides comme le filtrage.

Pour autant, si ces grands principes sont bien définis et opportunément rappelés, il est dommage que le rapport se préoccupe principalement d'économie numérique, et surtout soit contrôlé par le politique et abandonnant toute représentativité, au profit d'une nomination par acte administratif, ou plutôt par le fait du prince. Si des principes importants comme l'élection des dirigeants du CNN et la limitation du nombre de mandats sont rappelés, c'est pour mieux souligner que l'urgence affirmée par le politique ne permet pas de mettre en place la structure que Pierre Kosciusko-Morizet appellerait de ses vœux. Le projet de CNN date pourtant de 20083, et une telle urgence est assez incompréhensible4.

En fin de compte, cette nouvelle instance n'est définie ni dans son fonctionnement, ni dans sa composition. Pierre Kosciusko-Morizet propose donc plutôt la création d'un conseil gouvernemental du numérique, qui aura ensuite deux ans pour réfléchir à la création d'un CNN. Les principes énoncés comme base sont intéressants, mais la mainmise potentielle du politique risque fort d'en limiter la portée, d'autant qu'une autre étude, officieuse celle-là, a lieu en parallèle avec le soutien de l'Élysée.

  • 1. Les annexes du rapport sont disponibles sur http://www.pcinpact.com/media/cnn_rapport_annexeiii_vf.pdf.
  • 2. Page 14 du rapport.
  • 3. Le Conseil National du Numérique avait en effet été annoncé dans le cadre du Plan France Numérique 2012.
  • 4. Pierre Kosciuzko-Morizet lui-même regrette cette précipitation : dans une interview à Public Sénat, il a ainsi déclaré que « maintenant, on n’était pas à deux mois près, on aurait pu prendre deux mois de plus pour organiser une élection. ».