Projet de loi enseignement supérieur et recherche : le gouvernement laissera-t-il parler la sagesse parlementaire en faveur de la priorité au logiciel libre ?

Mardi 9 juillet 2013, l'Assemblée nationale examinera en séance publique le projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche et devrait voter définitivement la disposition donnant la priorité au logiciel libre pour le service public de l'enseignement supérieur. L'April, qui travaille sur ce dossier depuis le début de l'examen parlementaire, appelle le gouvernement à ne pas céder aux pressions des éditeurs de logiciels privateurs, qui souhaitent vider cette disposition de sa substance.

Le 3 juillet 2013, le Sénat a adopté le projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche. À quelques amendements rédactionnels près, c'est le texte issu de la commission mixte paritaire qui a été voté, avec donc la disposition donnant la priorité au logiciel libre pour le service public de l'enseignement supérieur.

L'article 6 du projet de loi précise donc que :

II. – Au même code de l’éducation, il est rétabli un article L. 123-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 123-4-1. – Le service public de l'enseignement supérieur met à disposition de ses usagers des services et des ressources pédagogiques numériques.

« Les logiciels libres sont utilisés en priorité. »

La ministre Geneviève Fioraso, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, s'en était remis à la sagesse du Sénat lorsqu'il a voté cette disposition en 1ère lecture, disposition maintenue donc par la CMP.

Pourtant, les syndicats de logiciels privateurs continuent de s'opposer à cette mesure, en faisant évoluer leurs arguments lorsque la preuve de leur invalidité se fait. Ainsi, il est intéressant de noter que le principal argument développé notamment par le Syntec Numérique et par l'Afdel dans leurs premiers communiqués faisaient état d'une soi-disante illégalité par rapport au droit européen, arguments qui ont disparu depuis.

De plus, ces efforts de lobbying ne font absolument pas consensus au sein même de ces structures : au Syntec numérique notamment, la commission « Open Source » n'a ainsi pas été consultée, et s'est même opposée à l'action du Syntec numérique. Elle a même demandé à ce que ce dernier n'intervienne plus dans le débat. Sans succès visiblement.

L'Afdel et le Syntec Numérique, s'associant cette fois-ci à l'Inria, ont adressé à Geneviève Fioraso le 3 juillet 2013 un nouveau courrier.

De tels efforts de lobbying sont récurrents : dans le cadre du projet de loi de refondation de l'école de la République, une disposition similaire avait déjà été introduite par le Sénat. Un amendement du ministre voté par l'Assemblée nationale avait malheureusement vidé cette disposition de sa substance. Dans ce cas précédent, le ministre avait avancé de prétendues "difficultés juridiques" pour ne pas vouloir d'une priorité législative au logiciel libre. Par courrier début juin, le président de l'April a demandé au ministre la communication d'une analyse juridique détaillant ces difficultés. Nous n'avons pas reçu de réponse à ce jour. À contrario, l'April a communiqué courant juin aux parlementaires et au gouvernement une analyse sur la validité juridique d'une disposition législative donnant la priorité au logiciel libre (PDF, 7 pages).

La priorité donnée au logiciel libre pour le service public de l'enseignement supérieur est un signal fort et important pour l'accès de chacun aux ressources numériques, garantir l'interopérabilité et la pérennité d'un tel service.

C'est pourquoi l'April soutient la mise en place d'une telle priorité, cohérente avec les orientations données par le gouvernement, favorisant l'égal accès à la connaissance et simplifiant le service public de l'enseignement supérieur pour tous.