Open Bar Microsoft/Défense : de nouvelles parts d'ombre sur le respect du code des marchés publics

L'April a reçu en juin 2014 un nouveau document concernant l'Open Bar Microsoft/Défense, venant de la Commission consultative des marchés publics, organisme qui a pour but d'aider les acteurs publics dans leurs démarches autour des marchés publics. Cet avis, qui ne lie pas l'administration, permet cependant d'avoir des précisions juridiques sur des projets de contrat public. Dans le cadre de l'Open Bar Microsoft/Défense, il permet de mettre en évidence des incohérences entre ce que dit le droit et ce qui est annoncé par les responsables politiques.

La CCMP avait été saisie en 2012 par le ministère de la Défense, qui lui demandait son avis sur le projet de renouvellement du contrat avec Microsoft. Dans la réponse, elle explique avoir choisi de ne pas se prononcer, considérant que l'opinion qu'elle avait donnée pour le contrat de 2008 était toujours valable.

L'April regrette que cet avis soit sommaire, d'autant que la réponse détaillée de 2008 n'a jamais été fournie par l'administration, malgré nos demandes et un avis favorable de la commission d'accès aux documents administratifs (CADA).

Cependant, des éléments intéressants peuvent être extraits de ce texte. La Commission note que seuls certains produits, précis, peuvent être présents dans le contrat. Il n'est ainsi pas possible de « procéder par renvoi au catalogue général de Microsoft, car ce catalogue comprend aussi des produits courants qui peuvent être soumis à concurrence (traitement de texte ...) ». Pourtant, la version de 2008 du contrat listait justement les traitements de texte de Microsoft dans les produits concernés par le contrat. De plus, le ministre de la Défense lui même, dans une réponse à une question écrite, l'accord Open Bar « a rapidement confirmé ses performances en contribuant grandement à la standardisation des environnements de bureautique du ministère », ce qui peut cependant faire douter du respect de l'avis de la Commission par le ministère de la Défense.

L'April regrette que de nombreux éléments, comme la liste des produits Microsoft concernés par l'accord-cadre, ou comme l'avis de la Commission de 2008, ne soient pas publics, et appelle à la publication de ces documents afin de faire toute la lumière sur cette affaire.

L'avis de la CCMP est disponible au téléchargement au format PDF, ainsi qu'en version texte ci-dessous. Pour rappel, il s'agit d'un avis écrit par la CCMP à destination du directeur inter-armées des réseaux d'infrastructures et des systèmes d'information du ministère de la Défense.

Objet: Accord—cadre de maintien en condition opérationnelle de produits Microsoft

Vous avez bien voulu saisir la CCMP du projet de contrat cité en objet sous la référence ci-dessus. ll s’agit d'un projet d‘accord-cadre interministériel relatif au maintien en condition opérationnelle des produits de la société Microsoft avec option d’achat pour lequel le ministère de la Défense est service coordonnateur. ll serait passé sans publicité ni mise en concurrence.

Il prend la suite d'un accord-cadre de même objet que la CMPE avait examiné en sa séance du 6 mai 2008 sous le numéro 08-0179. La commission remarquait alors dans son avis que « la mise en œuvre de ce contrat doit permettre aux parties-prenantes de l'accord-cadre, moyennant le versement au titulaire d'une redevance, de bénéficier des dernières versions des produits Microsoft dont l'administration est déjà propriétaire et qui résultent de choix technologiques antérieurs au présent projet » ; elle demandait au service, lorsqu'il s‘adresserait à Microsoft, de s'assurer que « les prestations associées à la prestation principale (la mise à niveau des logiciels sont réellement indispensables à leur maintien en condition opérationnelle » ; elle soulignait que « le recours à la procédure négociée ne parait pas contestable au regard des droits d exclusivité détenus par Microsoft dès lors que l'objet de l'accord-cadre concerne la mise à jour des produits de ce fournisseur et que l'acquisition des nouveaux outils, associée à cette mise à jour, ne pourra conduire le service à s'exonérer de ses obligations de remise en concurrence ultérieure. »

Vous avez précisé à mes services que l'option d‘achat rendue possible par le marché de 2008 n'avait pas été levée.

En application des dispositions de l‘article 4—ll du décret 2009-1279 du 22 octobre 2009, j'ai décidé de ne pas sélectionner le dossier de 2012 pour un examen en séance. Les observations sur l'économie générale du projet que la commission avait formulées en 2008 restent en effet toujours valables. C'est à leur lumière que sont formulées les remarques ci—dessous.

Il importe tout d’abord que les besoins soit clairement définis tant au sein du Ministère de la Défense que parmi les services coordonnés, préalablement au lancement de la procédure de passation de l’accord-cadre.

Le recensement des besoins devrait permettre d’élaborer une liste précise des produits et services nécessaires au maintien en condition opérationnelle des logiciels actuellement en place (ou une liste par service coordonné). Je précise à cet égard qu’il n‘est pas possible de procéder par renvoi au catalogue général de Microsoft, car ce catalogue comprend aussi des produits courants qui peuvent être soumis à concurrence (traitement de texte ...) ainsi que des produits sans lien avec les besoins de mise à jour du parc existant.

La liste qui résultera de ce recensement, complétée par les prix qui seront négociés avec Microsoft, a vocation à former le classique bordereau des prix unitaires caractéristique des marchés à bons de commande.

Comme pour tout marché, les prix doivent être déterminés ou déterminables. Or tel n'est pas le cas en l'état actuel du projet, puisque celui-ci attribue un prix, non à des produits mais à des points, et ne précise pas combien de points vaudra tel produit ou tel service, cette dernière précision étant renvoyée aux marchés subséquents. Cependant, ainsi que vous l‘avez précisé à mes services, vous prévoyez que la valeur en points de chaque produit ou service sera la même pour tous les services coordonnés. Cette circonstance rend inutile le renvoi de l’indication du prix aux marchés subséquents. Le bordereau des prix peut donc être élaboré dès le stade de l’accord-cadre et exprimé en euros. A cet égard, et pour répondre à un souci exprimé au téléphone, je vous précise qu'un bordereau de prix ne comporte jamais de quantités. Il n'est donc pas gênant que tous les ministères ne commandent pas tous les produits qui y sont énumérés.

Le prix doit rester déterminé ou déterminable dans le temps. Il ne peut évoluer que par le jeu d'une formule de variation de prix de forme classique.

ll importera aussi de veiller au respect des règles régissant les marchés à bons de commandes. Les marchés subséquents que passeront les services coordonnés devront donc respecter les dispositions de l'article 77 du Code des marchés publics, qui stipule que le minimum et le maximum sont fixés « en valeur ou en quantités ». Ce minimum et ce maximum ne peuvent donc être fixés en points, ce qui ne correspond ni à une valeur ni à une quantité. De plus, le minimum engage l'administration, et doit être respecté au sein de chaque marché subséquent, sans transmission de points manquants d'un service à un autre.

ll y aurait enfin quelques erreurs matérielles à corriger à l'article 20—4-1 relatif à la facturation. Cet article, en l'état actuel du projet prévoit un paiement au terme à échoir ce qui contrevient à la règle du paiement après service fait, et entre d'ailleurs en contradiction avec d‘autres développements du même article, qui exigent un procès—verbal de réception. ll faut probablement comprendre que le paiement interviendra à terme échu. Dans ce contexte, il conviendra aussi de respecter l'article 91 du Code des marchés publics, qui prévoit des acomptes au moins tous les trois mois.