Obsolescence logicielle : quelques avancées en Commission développement durable sur le droit à l'information
En septembre 2019, les sénateurs et sénatrices, de manière transpartisane et contre l'avis du gouvernement, avaient défendu plusieurs propositions pour lutter contre les pratiques sources d'obsolescence logicielle, dont certaines ont été adoptées. Convaincue que les logiciels libres, par les libertés qu'ils confèrent, sont vecteurs d'une informatique plus durable, l'April est restée mobilisée sur ce projet de loi, notamment en renouvelant des propositions qui ont été discutées en Commission du développement durable de l'Assemblée nationale en novembre 2019.
Plusieurs propositions relatives à l'obsolescence logicielle ont été déposées en Commission. Elles ont été discutées lors de la première séance du mercredi 27 novembre 2019. Le compte-rendu ainsi que la vidéo des débats sont disponibles. Le texte issu des débats en Commission développement durable est disponible sur le site de l'Assemblée.
Particularité des débats, alors que la commission saisie au fond sur le projet de loi est la Commission développement durable – dont la rapporteure est Véronique Riotton – la Commission des Affaires économiques (CAE) – dont la rapporteure est Graziella Melchior — a été saisie au fond sur les questions relatives aux dispositions de « garanties logicielles » introduites au Sénat à l'article 4 quater D. La disposition, quoique perfectible1, a été remplacée par une disposition portée par la rapporteure Melchior consacrant l'information des consommateurs et consommatrices sur « la durée au cours de laquelle les mises à jour des logiciels fournis lors de l’achat du bien restent compatibles avec un usage normal de l’appareil ». Si les contours demeurent flous, l'article renvoie à décret pour en préciser les modalités d'application.
Article 4 quater D I. – Le chapitre VII du titre Ier du livre II du code de la consommation est complété par une section 5 ainsi rédigée : « Section 5 « Information du consommateur sur les mises à jour de logiciel « Art. L. 217-21. – Le fabricant d’appareils numériques informe le vendeur de la durée au cours de laquelle les mises à jour des logiciels fournis lors de l’achat du bien restent compatibles avec un usage normal de l’appareil. L’usage de l’appareil est dans ce cas considéré comme normal lorsque ses fonctionnalités répondent aux attentes légitimes du consommateur. Le vendeur met ces informations à disposition du consommateur. Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret. »
Parmi les amendements soutenus par l'April, certains visaient à lutter contre les pratiques consistant à restreindre, voire interdire, l'installation de logiciels par un utilisateur sur son équipement informatique. L'amendement CD1111 proposait ainsi l'interdiction de ces mesures, sur le modèle de l'article 4 quater C adopté au Sénat. Il a été rejeté. En revanche, l'amendement CD1112, dont l'objet est l'inscription d'un droit à l'information précontractuelle sur l'existence de telles mesures, a été adopté. Il s'agit du nouvel article 4 quater E.
Article 4 quater E (nouveau) Au 5° de l’article L. 111-1 du code de la consommation, après le mot : « interopérabilité, », sont insérés les mots : « à l’existence de toute restriction d’installation de logiciel, ».
Les deux amendements ont reçu des avis défavorables par la secrétaire d'État Brune Poirson et par les rapporteures Véronique Riotton et Graziella Melchior. L'argument principalement opposé est la transposition à venir, début 2020, de deux directives européennes : la directive « vente de biens » et la directive « contenus et services numériques », dont le champ d'application pourrait inclure les questions relatives à l'obsolescence logicielle, notamment sous le prisme de la conformité. La disposition de la rapporteure Melchior vise d'ailleurs à s'inscrire dans le cadre de ces textes dont elle reprend la terminologie, en particulier l'expression assez floue d'« usage normal ». Notons qu'en ce qui concerne l'amendement CD1112, la rapporteure Melchior l'a jugé « pertinent », la secrétaire d'État y étant « plutôt favorable » en rappelant la prévalence de l'avis de Matignon.
Le même renvoi, potentiel, aux futurs textes de transposition, a été utilisé contre la proposition d'ouverture des interfaces de programmation (voir les amendements CD821, CD1115 et CD1445), également défendue par l'April, ainsi que GreenIT.fr et Halte Obsolescence programmée.
Les débats se déroulent entre la minute 00:30:20 et la minute 00:50:12 de la vidéo.
Un premier pas sans doute utile a été fait en Commission, le droit à l'information étant une composante essentielle pour permettre à toutes et tous de maîtriser leur informatique, notamment pour que celle-ci soit plus durable. Il conviendra d'amplifier cette dynamique en séance publique où les débats ont repris le 9 décembre, en offrant des garanties plus effectives pour les libertés informatiques des personnes. Plusieurs amendements offrent des pistes en ce sens et devront être soutenus.
- 1. L'April avait fait part de certaines craintes suite à l'adoption de l'amendement et avait fait une proposition reprise par Vincent Thiebaut via un amendement C1113 pour prendre en compte les apports intrinsèques du logiciel libre, amendement déclaré irrecevable.