[agoravox.fr] Les tentations du piratage étouffées ?
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Nous sommes maintenant 18 mois après la publication de la loi DADVSI, et le résultat en est atterrant. Il est présenté ci-dessous sous forme à peine parodique.
Depuis une dizaine dannées se multiplient des mouvements collectifs délinquants, appelés selon les régions 'rave parties', 'bals populaires', 'messes du dimanche', 'anniversaires', dans lesquels les droits dauteurs sont systématiquement contournés par lexécution publique, hors du cercle familial strict, doeuvres musicales sans versements de droits, et dont le but est un enrichissement illégal basé sur la vente de pâtisserie et billets de tombola. Ces mouvements ont été favorisés par la baisse constante du prix des instruments de musique, maintenant accessibles au grand public, mais pour lesquels les usages ont débordé du cadre du droit à cause du comportement irresponsable dune minorité de délinquants.
Il a été établi que ces mouvements sont liés au terrorisme, au grand banditisme et à la pédophilie. Ainsi par exemple, le 04/07/05 a eu lieu à Washington une marche contre la guerre en Irak dans laquelle les organisateurs ont diffusé sans acquitter de droits loeuvre des Rolling Stones Sweet Neocon.
Les sociétés détentrices de droits ont depuis longtemps tenté de sensibiliser les entreprises de lutherie à lutilisation illégale de leurs produits. La plupart dentre elles ont ainsi accepté des accords dits de 'cease and desist', à travers lesquels elles acceptaient de cesser leur activité pour se mettre à labri de poursuites civiles et pénales. Ainsi en 2001, la société Fender, suite à une plainte de la Fondation Jimi Hendrix, a cessé la vente de guitares électriques et vend désormais des instruments ne pouvant interpréter que des oeuvres téléchargées légalement sur le site de cette Fondation. Ces efforts ont porté leurs fruits, et lon constate désormais une baisse de la vente de lutherie illégale. Mais elle a été malheureusement compensée par des techniques criminelles consistant à utiliser des dispositifs de contournement, comme des casseroles utilisées comme instruments de percussion.
Les gouvernements se sont saisis du sujet, et ont coordonné de vastes mouvements de lutte contre le piratage. Ainsi, le 11/03/06 a eu lieu à Vienne larrestation de membres dun gang de trafiquants, qui se désignaient eux-mêmes sous le sobriquet d'Eglise luthérienne', et interprétaient en public des oeuvres chorales de Jean-Sebastien Bach, appartenant au hedge fund Cayman Bach Capital Ltd depuis que les accords internationaux signés sous légide de lOMPI ont porté rétroactivement en 2002 la durée légale des droits dauteur à 720 ans.
Dans le même temps, les détenteurs de droit se sont lancés dans la mise en oeuvre de procédés permettant de prévenir le piratage à la source, en faisant en sorte que les oeuvres diffusées ne puissent être dupliquées. Le premier procédé, mis en oeuvre par la société Sony/BMG, a été malheureusement déclaré illégal par un jugement civil de lEtat de Hawaii. Il consistait à faire en sorte que tous les appareils de lecture doeuvres musicales sautodétruisent à la mise en service. Par contre, les deux autres procédés ont donné satisfaction. Le premier, mis en oeuvre par la société Apple, consistait à créer une nouvelle forme de support qui ne pouvait être inséré que dans des appareils dépourvus de fonction de lecture. Elle a vendu plusieurs milliards dexemplaires doeuvres ainsi protégées. Le second, mis en oeuvre par la société Microsoft, consistait à rendre les oeuvres non reproductibles en y superposant un enregistrement à fort volume de marteau-piqueur. Mais des problèmes de compatibilité sont apparus, les utilisateurs du premier procédé se plaignant de ne pas entendre clairement le marteau-piqueur.
Pour faire face à ce problème, lUnion européenne vient de lancer un projet appelé 'musique libre', visant à normaliser les dispositifs de protection afin de permettre linteropérabilité, et recommandant des modèles particuliers de marteaux-piqueurs. Elle prévoit également dinterdire la pratique du chant sur lensemble de lUnion, sauf dans le Tyrol qui a fait jouer sa clause de sauvegarde.
Il ne faut toutefois pas se voiler la gravité de la situation, et cest bien le développement de la lutherie qui en est responsable et en profite le plus. Il serait donc normal que cette activité soit taxée au bénéfice de la création. Elle a manifesté son désaccord, étant déjà menacée dune nouvelle taxe visant à compenser les pertes de recettes de la télévision publique française suite à la décision du gouvernement dexonérer fiscalement les recettes des musiciens suisses diffusés en France (loi dite du 'bouclier musical'). Mais lAssociation des luthiers français a néanmoins déclaré accepter le principe dune nouvelle taxe si cela permettait enfin de les décharger de leur responsabilité vis-à-vis du terrorisme, en particulier dans les cas de transport darmes dans des étuis pour violons.
Les montants actuellement envisagés sont pour les claviers de 10,08 euros par octave et, pour les cordes, de 12,51 euros par corde. Lannonce de ce dernier montant a provoqué une vive réaction des fabricants de harpes, et une manifestation, très suivie en Bretagne. Le président de la République a rencontré les manifestants, et aurait déclaré à lissue de cette rencontre que 'les Bretons sont des cons'. Les manifestants ont symboliquement offert à Mme Sarkozy une guitare à une corde. Par ailleurs, lAssistance publique a attiré lattention sur le fait quune taxe sur les amplificateurs sonores porterait également sur les appareils déchographie médicale, et souhaiterait dans ce cas négocier un montant forfaitaire pour le droit de diffusion de tout signal à travers le corps humain, embryons inclus.
Le gouvernement a demandé à la société Fnac, indépendante puisque ne vendant pas de lutherie, un rapport dexpertise sur le sujet. Ce rapport conclut à la nécessité dun 'filtrage' de la lutherie. Ainsi, les instruments devraient avertir leurs utilisateurs de la légalité de leurs interprétations et, au troisième essai, se mettre deux-mêmes définitivement hors service. La Cnil a donné son autorisation à la création dun 'fichier national des instruments de musique débranchés', afin quils ne puissent être mis en réparation. La société Steinway a proposé une technique dite de 'marquage', consistant à repérer les notes les plus utilisées dans les catalogues de droits, et à ne pas mettre dans ses produits les cordes correspondant à ces notes. Il apparaîtrait ainsi que le si bémol de la première octave est relativement peu utilisé dans le répertoire, et peut être considéré libre de droits. Mais cette technique couvre aujourdhui relativement mal les instruments ne reposant pas sur la gamme tempérée, comme la guimbarde.
Toutefois, le rapport Attali, commandité par le même gouvernement et soutenu par la société Publicis, propose une autre approche. Elle consisterait à inclure dans le prix dachat des instruments de musique un contrat de location mensuelle des droits dinterprétation de lensemble des catalogues des sociétés détentrices. Mais cette approche a été vivement critiquée par la ministre de la Culture, qui a insisté sur le fait que le développement de la culture musicale française était pour elle indissociable de lachat à lunité de nombreuses feuilles de papier par tous les débutants au piano.
Une bonne partie de lindustrie penche actuellement pour le financement par la publicité. Chaque interprétation serait précédée dun message publicitaire exécuté par linstrument lui-même selon ses possibilités (violon, pipeau...). La société Google propose ainsi un procédé où chaque instrument serait relié à son dispositif AdSense et interpréterait des publicités contextuelles basées sur le profil de linstrument créé par larchivage pendant vingt-cinq ans de ses consultations sur son site YouTube.
Il reviendra donc aux hedge funds... euh au gouvernement français de choisir entre ces approches. Mais il faut insister sur le fait que le principal reste léducation des citoyens à lusage légal des instruments de musique. A ce titre a été entreprise cette année une grande campagne de sensibilisation des élèves décoles primaires, avec le slogan 'Pensez aux enfants de Mozart' et des vidéos de tsunamis, dans laquelle les enfants seront invités à chanter des oeuvres libres de droits, comme Le Bon Roi mérovingien (le mot 'Dagobert' étant une marque déposée des fromageries de Haute-Normandie). »
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