Mobilisation générale contre le retour des brevets logiciels en Europe
Paris, le 3 septembre 2012. Communiqué de presse.
Dans les prochains jours, la Commission des affaires juridiques (JURI) du Parlement européen va se prononcer sur la suite à donner au projet de brevet unitaire. Derrière l'apparence d'un texte technique se joue une question cruciale : qui décide de ce qui est brevetable et ce qui ne l'est pas.
Alors que les brevets logiciels font leur retour dans l'actualité internationale avec le procès Apple contre Samsung, il faut s'assurer que de telles aberrations ne puissent se produire en Europe. L'April appelle à la mobilisation pour contacter les eurodéputés, afin que le Parlement européen s'empare enfin de la question de la brevetabilité des logiciels.
Le danger des brevets logiciels
Les récentes batailles de brevets aux États-Unis, comme celle entre Apple et Samsung1, mettent en évidence les dangers des brevets logiciels : en laissant des entreprises s'approprier un monopole sur des idées, le législateur américain permet à quelques acteurs monopolistiques de contrôler l'ensemble du marché2.
« Les brevets logiciels sont un vrai fléau pour les entreprises et les développeurs de logiciels », témoigne Gérald Sédrati-Dinet, conseiller bénévole de l'April sur les brevets. « Ils ne contribuent absolument pas à l'innovation, mais nous empêchent au contraire de développer de nouveaux produits tout en nous exposant à une incertitude juridique toujours plus importante. »
Pour ces raisons, le droit européen interdit les brevets logiciels, position rappelée par le Parlement européen en 2003 et en 2005. Malgré tout, l'Office européen des brevets (OEB) tente depuis plusieurs années de légaliser les brevets logiciels, alors même que cela représente un grave danger pour l'industrie logicielle, tant pour les entreprises qui font du Libre, que pour les PME/PMI qui font du propriétaire.
« Entre 2001 et 2012, les projets ont changé de nom et de forme, mais les enjeux restent les mêmes », ajoute Lionel Allorge, président de l'April. « L'OEB continue de délivrer des brevets logiciels, au mépris de l'esprit de la Convention européenne sur les brevets qui énonce clairement que les programmes d'ordinateurs ne sont pas brevetables. En 2005, au moment du rejet des brevets logiciels par le Parlement européen, nous avions appelé à un contrôle démocratique de l'OEB. C'est le moment de terminer le travail. »
Le brevet unitaire doit parler des brevets logiciels
Alors qu'il s'agit de la question la plus importante pour les entreprises, pour les développeurs et pour l'innovation3, ces dérives de la brevetabilité ne sont même pas abordées dans la proposition de règlement sur le brevet unitaire. Au contraire, le pouvoir de légiférer et de contrôler la jurisprudence sur la brevetabilité serait abandonné à quelques spécialistes, sans aucun contrôle démocratique ni même possibilité d'aller devant une cour indépendante.
« Le législateur européen mène une politique de l'autruche s'il croit qu'un nouveau titre de brevet peut favoriser l'innovation sans qu'il y ait de définition claire de ce qui est brevetable et de ce qui ne l'est pas », explique Frédéric Couchet, délégué général de l'April. « Cette ignorance est d'autant plus dangereuse dans le contexte actuel, où les voix se sont multipliées4 pour demander la mise en place de garde-fous afin que le système des brevets ne détruise pas l'innovation logicielle et la liberté de programmer. »
L'April appelle donc l'ensemble des personnes concernées à se mobiliser pour informer les eurodéputés et leur demander de remettre en place un contrôle démocratique sur le système des brevets.
Comment agir ?
L'April a mis en place différents outils de campagne pour informer et sensibiliser les eurodéputés. Tous les outils sont disponibles sur la page http://call.unitary-patent.eu/. On y trouve des documents pour en savoir plus et, surtout, contacter les eurodéputés, par courriel et/ou téléphone, pour leur demander de s'impliquer dans le dossier !
À propos de l'April
Pionnière du logiciel libre en France, l'April est depuis 1996 un acteur majeur de la démocratisation et de la diffusion du Logiciel Libre et des standards ouverts auprès du grand public, des professionnels et des institutions dans l'espace francophone. Elle veille aussi, dans l'ère numérique, à sensibiliser l'opinion sur les dangers d'une appropriation exclusive de l'information et du savoir par des intérêts privés.
L'association est constituée de plus de 5 000 membres utilisateurs et producteurs de logiciels libres.
Pour plus d'informations, vous pouvez vous rendre sur le site Web à l'adresse suivante : http://www.april.org/, nous contacter par téléphone au +33 1 78 76 92 80 ou par notre formulaire de contact.
Contacts presse :
Frédéric Couchet, délégué général, fcouchet@april.org +33 6 60 68 89 31
Jeanne Tadeusz, responsable affaires publiques, jtadeusz@april.org +33 1 78 76 92 82
Gérald Sédrati-Dinet, conseiller bénévole sur les brevets, gibus@unitary-patent.eu +33 6 60 56 36 45
- 1. Pour l'analyse complète du jugement, voir par exemple l'article de Groklaw (en anglais).
- 2. Pour plus d'informations sur les dangers des brevets logiciels, voir notamment la synthèse publiée par l'April à ce sujet.
- 3. En avril 2001, déjà, Richard Stallman déclarait au magazine Transfert : « Les brevets de logiciels représentent le plus grand danger pour notre liberté car ils nous empêcheront bientôt de faire notre métier. Toutes les autres difficultés, nous pourrons les surmonter en travaillant dur. »
- 4. Au point où la Grande Chambre de recours de l'OEB elle-même a demandé au législateur de reprendre la main.