Lettre ouverte aux candidats aux élections legislatives

Paris, le 05 juin 2002. Communiqué de presse, pour diffusion immédiate

APRIL - AFUL

Copie d'une lettre ouverte aux candidats aux élections législatives

Madame, Monsieur,

au cours des dernières années, les responsables politiques de toutes les tendances ont pris conscience de l'importance des nouvelles technologies de l'information et de la communication pour une croissance saine et durable de notre économie.

Nombres de personnalités scientifiques, politiques et industrielles ne cessent de souligner l'importance capitale, dans cette perspective, du logiciel libre. Ce mode de développement du logiciel rend aux individus, une liberté de partage et d'entraide, aux grandes entreprises, la maîtrise de leur système d'information, aux administrations, le contrôle de l'utilisation de l'information sensible qu'elles manipulent, aux sociétés de services, la possibilité de fournir des solutions dont elles maîtrisent la qualité. Elle donne aux utilisateurs en général le contrôle sur l'évolution de la technologie qu'ils utilisent, grâce à la possibilité de vérifier ou faire vérifier, modifier ou faire modifier, distribuer et utiliser librement cet instrument fondamental de la société de l'information qu'est le logiciel.

Votre propre parti, Madame, Monsieur, a indiqué dans son programme lors de la campage des dernières présidentielles qu'il faut encourager, diffuser et défendre le logiciel libre ; on ne peut que vous en féliciter. Encore dans ce programme, Madame, Monsieur, nous avons vu clairement exprimée une opposition claire à l'introduction des brevets logiciels en Europe. On ne peut que saluer la cohérence de cette position : les brevets sur les logiciels et les algorithmes, de par la nature même du logiciel, entravent en général la création et le développement de nouveaux logiciels. Ils sont une véritable menace pour l'essor du logiciel en général et tout particulièrement du logiciel libre.

Or, depuis plusieurs années, une entreprise non européenne est en position de monopole avéré sur le marché des systèmes d'exploitation des ordinateurs personnels (1), monopole maintenu par des pratiques reconnues illégales (2).

Elle ponctionne l'espace économique européen de bénéfices record (3), qui, dans une situation de saine concurrence, reviendraient à d'autres sociétés avec des marges plus faibles. Elle déclare vouloir contrer par tous les moyens l'essor des logiciels libres, y compris par l'utilisation de brevets ayant comme unique but d'interdire l'interopérabilité entre ses logiciels et les logiciels libres.

Alors que la Communauté Européenne met tout en oeuvre pour casser les quelques monopoles publics encore existants, pour permettre à l'utilisateur final de choisir sans entraves le fournisseur de communications téléphoniques, ou d'énergie électrique, au nom de la libre concurrence, nous nous devons d'agir auprès des institutions Européennes et de la France face aux agissements d'un monopole privé qui met en place en toute tranquillité des entraves techniques et légales arbitraires à la libre concurrence.

Il y a quelques jours, nous apprenions que la nouvelle licence de certains logiciels Microsoft interdit leur utilisation sur tout système d'exploitation non-Microsoft ; il s'agit d'une restriction aussi arbitraire et anti-compétitive que si un grand constructeur automobile interdisait aux propriétaires de ses voitures de rouler sur des autoroutes n'appartenant pas à ce même constructeur.

Mais il y a bien pire : cette même entreprise utilise un système de fichiers, nommé CIFS, qui est protégé par un brevet américain que certains intérêts myopes voudraient voir valider en Europe (4); or, nous apprenons en ce moment que la nouvelle version de cette licence interdit purement et simplement a tout développeur de logiciel libre d'écrire un logiciel interopérable avec CIFS (5).

Ce logiciel libre existe déjà, il s'appelle Samba, et il a montré dans plusieurs tests indépendants (6) d'être techniquement supérieur a celui de Microsoft, qui essaye maintenant, étant manifestement incapable de réaliser un produit meilleur que ce logiciel libre, de l'interdire par des artifices légaux.

Madame, Monsieur, après l'échec des procédures légales (trop lentes dans le monde en évolution trop rapide des nouvelles technologies), seule une volonté politique forte et sans équivoque peut et doit contrer ces attaques, pour empêcher que les nouvelles technologies de l'information et de la communication ne soient détournées par l'intérêt particulier d'un acteur privé en position de monopole.

Madame, Monsieur, nous vous demandons maintenant de confirmer devant vos électeurs votre engagement clair et sans ambiguïté à contrer fermement ces agissements inqualifiables, en vous opposant notamment à la légalisation des brevets sur les logiciels, et à oeuvrer pour le renforcement d'une économie du logiciel saine et compétitive grâce notamment au logiciel libre.

(1) Voir le document de la Cour d'Appel http://ecfp.cadc.uscourts.gov/MS-Docs/1720/0.pdf, page 14: ``we uphold the District Court's finding of monopoly power in its entirety.''

(2) Ibidem, pages 25 à 59

(3) Microsoft annonce dans http://www.microsoft.com/msft/ar.htm 7.3 billions de dollars de bénéfices, sur un chiffre d'affaires de 25 billions, dont 4.86 billions en Europe

(4) Voir une analyse sur http://www.freepatents.org

(5) La licence est dans http://msdn.microsoft.com/library/default.asp?url=/library/en-us/dnkerb/html/Finalcifs_LicenseAgrmnt_032802.asp, et une analyse peut se lire sur http://news.com.com/2010-1075-882846.html

(6) Voir par exemple le récent http://www.pcmag.com/article/0,2997,s=1474&a=16554,00.asp

Contact presse : Roberto Di Cosmo <roberto@dicosmo.org> +33-1 39 63 52 77

À propos de l'APRIL (www.april.org)

L'APRIL, Association pour la Promotion et la Recherche en Informatique Libre, créée en 1996, est composée de personnes physiques et morales impliquées dans le développement de l'informatique libre et fortement implantées dans le tissu social. Elle a pour objectif de sensibiliser les entreprises, les administrations et les particuliers sur les risques des solutions propriétaires et fermées et de les informer des bénéfices offerts par les logiciels libres et les solutions basées sur des standards ouverts.

Contact presse : Frédéric Couchet <fcouchet@april.org> +33-6 60 68 89 31

À propos de l'AFUL (www.aful.org)

L'AFUL, Association Francophone des Utilisateurs de Linux et des Logiciels Libres, est une association loi 1901 dont le but majeur est la promotion de systèmes d'exploitation libres de types UNIX (comme Linux et les dérivés BSD) et des standards ouverts. Elle regroupe des utilisateurs (professionnels ou particuliers), des sociétés (éditeurs de logiciels ou de documentations, sociétés de services) et d'autres associations qui poursuivent des objectifs similaires.

Contact presse : Stéfane Fermigier <sf@fermigier.com> +33-6 63 04 12 77