Lettre du président de l'April : « Brevet unitaire : pour une politique democratique de l'innovation en Europe »

Le 28 juin 2012, Lionel Allorge, président de l'April, a écrit à l'ensemble des eurodéputés sur le projet de règlement de mise en œuvre de la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection unitaire par brevet.

Voici le texte du courrier :

Mesdames, Messieurs les députés européens,

Vous allez être amenés à voter en plénière la semaine prochaine sur le projet de règlement de mise en œuvre de la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection unitaire par brevet.

Si le principe du brevet unitaire n'est pas problématique en lui-même, la proposition actuellement débattue pose de nombreuses difficultés, tant du point de vue de son applicabilité juridique que de ses conséquences potentiellement désastreuses pour l'innovation.

Le texte actuel est porteur d'insécurité juridique pour les entreprises. En mars 2011, la Cour de Justice européenne a retoqué le projet initial pour incompatibilité avec les traités. La réécriture par la Commission européenne a été très partielle, et la conformité du texte actuel avec le droit communautaire est toujours sujette à caution.

Au-delà de la question de l'insécurité juridique pour les entreprises l'organisation même de la cour unifiée des brevets interpelle. En effet, la cour unifiée serait composée de juges « spécialisés » sans appel ni recours à un tribunal indépendant. Un système de ce type – qui n'existe pour aucun autre droit en Europe – risque d'entraîner la mise en place d'une bulle dans laquelle un seul petit groupe de spécialistes des brevet serait à la fois juge et partie, au détriment de l'intérêt général et sans intervention de contre­pouvoirs.

Le texte devrait encourager une politique de l'innovation forte, et remettre le leadership politique sur la question des brevets. Il faudrait notamment reprendre en main le droit matériel des brevets pour une politique industrielle, exclure explicitement du champ de la brevetabilité ce qui ne relève pas du droit des brevets, comme les logiciels, pour assurer la sécurité juridique des entreprises européennes innovante.

Vous trouverez à l'adresse suivante notre analyse détaillée des nombreux défauts et problèmes posés par le texte actuel.

Des amendements déposés au texte permettent de corriger ces défauts. Je vous recommande d'adopter les amendements 52 à 67, en particulier les amendements 52, 53 et 54, qui assure la sécurité juridique du règlement et apporter une solution au problème politique de la gouvernance du système européen des brevets, ainsi que l'amendement 57 qui exclurait clairement les logiciels de la brevetabilité. Dans l'éventualité où ces amendements ne seraient pas adoptés, je vous recommande de rejeter la proposition. Pour le détail de notre analyse :

https://www.brevet-unitaire.eu/fr/content/recommandations-de-vote-pour-les-amendements-de-plénière

Je me tiens à votre disposition pour toute information complémentaire et je vous prie d'agréer l'expression de ma haute considération.

Lionel Allorge, président de l'April