L'Assemblée nationale à son tour en mesure d'agir contre l'obsolescence logicielle en votant une série d'amendements

Mise à jour le : 27 novembre 2019. L'amendement CD1112 a été adopté. Rejet des amendements CD111 et CD821, CD1115, CD1445 (identiques).

Dans le cadre du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et pour une économie circulaire, les sénateurs et sénatrices ont adopté plusieurs amendements pour lutter contre l'obsolescence logicielle. Les débats reprennent cette semaine en Commission développement durable de l'Assemblée nationale, dès la séance de 21 h 30 du lundi 25 novembre 2019 sur la base du texte adopté par le Sénat. Plusieurs amendements visant à lutter contre l'obsolescence logicielle ont été déposés, l'occasion pour les membres de la Commission de continuer et d'amplifier le travail de leurs collègues sénatrices et sénateurs.

L'obsolescence, parfois programmée, correspond à la réduction de la durée de vie d'un bien, par exemple d'un matériel informatique. L'obsolescence peut avoir des sources diverses : une conception qui ne pense pas la durabilité ou alors dans le but de la réduire, des facteurs esthétiques, sociaux ou culturels incitant au renouvellement d'équipements pouvant encore fonctionner, etc. Pour les équipements embarquant un logiciel, de plus en plus nombreux avec les « objets connectés », l'obsolescence logicielle, dans toutes ses formes, peut être un facteur déterminant de leur durée de vie et les logiciels libres, par les libertés qu'ils garantissent, un facteur important de durabilité.

Le sujet long (48 minutes 53 secondes) de l'émission Libre à vous ! de l'April du mardi 17 septembre 2019 était consacré à cette problématique et des propositions de solutions ont été envisagées avec Frédéric Bordage de GreenIT.fr et Adèle Chasson de HOP (Halte Obsolescence Programmée). Le podcast, ainsi qu'une transcription de l'émission, sont disponibles.

Réécouter le Libre à vous ! du 17 septembre 2019 sur l'obsolescence logicielle

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L'April a été porteuse de plusieurs propositions (lire le document, au format PDF ou Open Document, transmis aux membres de la Commission développement durable), reprises pour la plupart par le député Vincent Thiébaut (La République En Marche, LREM). Elle est également co-signatrice avec HOP et de GreenIT.fr d'une proposition visant à l'ouverture des interfaces de programmation, proposition reprise par plusieurs député⋅es.

Des amendements pour lutter contre l'obsolescence logicielle

  • Un facteur important d'obsolescence, que l'on pourra qualifier d'imposée, consiste en la présence de « restrictions d'installation de logiciel ». Ces restrictions — à l'instar du Secureboot de Microsoft — rendent difficile voire impossible l'installation d'un système d'exploitation libre sur un ordinateur, sous prétexte de sécurité. En effet, une couche logicielle présente dans la carte mère contrôle ce qu'il est possible ou non d'installer sur son propre matériel. Ces restrictions sont des atteintes évidentes aux libertés informatiques et un frein fort à la réparabilité et au reconditionnement des matériels informatiques concernés. L'amendement CD1111 du député Thiébaut vise à interdire ces pratiques en complétant l'article 4 quater C adopté au Sénat. L'amendement CD1112, dont le champ est un peu plus large et qui se présente en partie comme un amendement de repli, vise à ajouter à la liste des informations précontractuelles obligatoires, l'existence de « toute restriction d'installation de logiciel ».
  • Amendement CD1111 :

    ARTICLE 4 QUATER C
    Après l’alinéa 3, insérer l’alinéa suivant :
    « Art. L. 441‑4. – « Toute technique, y compris logicielle, dont l’objet est de rendre impossible ou de restreindre la liberté d’un consommateur d’installer les logiciels de son choix sur son équipement est interdite. »

    Amendement CD1112 :

    ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 4 QUATER D:
    Au 5° de l’article L. 111-1 du code de la consommation, après les mots : « à son interopérabilité, », sont insérés les mots : « à l'existence de toute restriction d'installation de logiciel, ».

  • Trois amendements identiques, le CD821 porté par le député Matthieu Orphelin (Liberté et Territoire), le CD1115 porté par le député Vincent Thiébaut et le CD1445 porté par la députée Paula Forteza (LREM), visent à permettre l'accès aux interfaces de programmation des « objets connectés », les « API », et à leur documentation, dans des conditions non discriminatoires et sans restrictions de mise en œuvre. Tirés d'une proposition conjointe de l'April, HOP et GreenIT.fr, ces amendements sont essentiels pour permettre la durabilité et la maîtrise des « objets connectés ».
  • APRÈS L'ARTICLE 4 QUATER D, insérer l'article suivant :
    Après l’article L. 111‑4 du code de la consommation est inséré un article L. 111‑4‑1 ainsi rédigé :
    « Art. L. 111‑4‑1. – Les fabricants d’objets connectés mettent à la disposition du consommateur les interfaces de programmation de l’objet. Ces interfaces de programmation sont disponibles à compter de la date de mise sur le marché de la dernière unité du modèle concerné et pour une durée illimitée. Les documents de spécifications des interfaces de programmation sont intégralement accessibles librement et gratuitement ou pour un coût minimal, dans des conditions non discriminatoires et sans restriction, juridique ou technique, de mise en œuvre. »
  • « L'indice de réparabilité » est un des principaux dispositifs mis en avant dans le projet de loi. Le Sénat a complété le texte concernant un « indice de durabilité » en votant l'article 4 QUATER B. L'April a proposé que soit précisé, dans les deux cas, que le calcul de l’indice prenne en compte les composantes logicielles. L'amendement CD1107 du député Thiébaut reprend la proposition pour l'indice de durabilité.
    ARTICLE 4 QUATER B
    Après l’alinéa 3, insérer l’alinéa suivant :
    « Pour les équipements électriques et électroniques embarquant des logiciels nécessaires à leur fonctionnement, le calcul de l’indice de durabilité prend notamment en compte la disponibilité des codes sources et la possibilité technique et juridique, le cas échéant, de les modifier ou d’y installer d’autres logiciels. »
  • L'April s'étonne par ailleurs qu'une série d'amendements portant sur l'article 4 quater D, introduit au Sénat, aient été déclarés irrecevables. L'objet de l'article 4 quater D est de créer des « garanties logicielles » pour les terminaux mobiles. Suite à l'adoption de l'article au Sénat, l'April avait fait part de certaines craintes, et l'amendement CD1113, porté par le député Thiébaut, est issu d'une proposition de l'April visant à prendre en compte les apports intrinsèques du logiciel libre et du matériel libre (plus connu sous le nom d'« open hardware ») pour la durabilité de ces équipements. L'April regrette que ce débat ne puisse avoir lieu en Commission ou alors dans le seul cadre de l'amendement de la rapporteure pour avis de la Commission des affaires économiques, Graziella Melchior.

    Le logiciel libre, par les libertés qu'il confère, est vecteur d'une informatique plus durable. C''est bien en redonnant la maîtrise de leurs équipements aux utilisateurs et utilisatrices, en leur donnant les moyens d'être indépendants face aux choix commerciaux des fabricants et des éditeurs de logiciels privateurs que l'on pourra répondre aux objectifs affichés par ce projet de loi.

    L'April appelle l'ensemble des député⋅es à se saisir de ce débat essentiel concernant l'impact des usages liés aux logiciels sur l'obsolescence des équipements électriques et électroniques, et ainsi à confirmer et amplifier le travail initié par leurs collègues sénatrices et sénateurs.