Garantir le droit d'acheter du matériel informatique sans système d'exploitation
Le mercredi 9 février 2022 le Sénat se réunit en séance publique pour discuter d'une proposition de loi « visant à encourager l’usage du contrôle parental sur certains équipements et services vendus en France et permettant d’accéder à internet ». Sans qu'il soit ici question de discuter du fond de la proposition de loi, sa rédaction actuelle pourrait laisser craindre des atteintes aux libertés informatiques des consommateurs et consommatrices. L'April a transmis des propositions d'amendements pour adresser ces risques (disponibles aux formats OpenDocument et PDF).
Lire les propositions de l'April (PDF)
La proposition de loi, portée par Bruno Studer (député LREM), a d'abord été discutée à l'Assemblée nationale avant d'arriver au Sénat, où elle a été amendée par la commission des affaires économiques dont les travaux ont été conduit par la rapporteure, Mme Sylviane Noël (sénatrice LR). La proposition de loi prévoit d'imposer aux fabricants d'équipements terminaux 1 la pré-installation d'un dispositif — donc d'un logiciel – de contrôle parental que la personne qui acquiert l'équipement pourra activer lors de la mise en service de l'appareil.
L'April identifie deux risques potentiels concernant les libertés informatiques.
D'une part, le texte ne prévoit pas la garantie, pour les personnes, de pouvoir librement désinstaller le dispositif. En pratique, il n'est pas toujours simple pour une personne sans formation de désinstaller un logiciel pré-installé. L'April propose donc d'expliciter qu'il est possible de désinstaller le logiciel, et que cette désinstallation soit proposée en même temps que l'activation au moment de la première mise en service.
D'autre part, il y a une crainte, ainsi qu'a pu le relayer la presse, que cette loi puisse, par effet de bord, interdire la vente d'ordinateur sans système d'exploitation. En effet, un tel dispositif ne peut opérer et exister en dehors d'un système d'exploitation. S'il ne parait pas acquis que la vente de ces équipements tomberait dans le champ d'application de loi, l'incertitude engendrée par sa rédaction actuelle risque de restreindre encore davantage une offre déjà très limitée. L'April propose ainsi d'expliciter que ce sont « les équipements terminaux équipés de système d'exploitation » qui sont visés, une rédaction proportionnée qui permettra de circonscrire ce risque sans remettre en cause l'objectif de la proposition de loi.
On notera enfin que la proposition de loi intervient dans un domaine qui relève habituellement de la compétence de la Commission européenne, en vertu notamment de la directive RED sur la mise sur le marché des équipements radioélectriques. La commission des affaires économiques du Sénat a voté un amendement pour que le texte soit de nouveau notifié à la Commission européenne après l'adoption éventuelle de la proposition de loi, pour lui permettre de valider ou non sa conformité au droit européen. Ce qui ne parait pas garanti. Quoi qu'il en soit, pour éviter tout risque d'atteinte disproportionnée aux libertés informatiques, l'April invite les sénatrices et sénateurs à adopter ses propositions et déposer les amendements correspondants avant le 3 février, date limite.
L'April invite également toutes les personnes qui se sentent concernées à contacter des sénateurs et sénatrices, par affinité politique ou en fonction de leur territoire 2, pour les convaincre de l'importance de défendre ces libertés informatiques.
- 1. Le code des postes et des communications électroniques, à l'article L32, définit un équipement terminal comme « tout équipement qui est connecté directement ou indirectement à l'interface d'un réseau public de communications électroniques pour transmettre, traiter ou recevoir des informations ». Cela inclut donc les appareils mobiles comme les ordinateurs.
- 2. Le site du Sénat permet notamment de filtrer en fonction des groupes politiques ou par département