Contacter les eurodéputés sur le brevet unitaire : comment faire ?

L'Union européenne se précipite1 pour faire passer en force, avec le moins de débat possible, le brevet unitaire, malgré le risque que ce projet introduise les brevets logiciels en Europe, en abandonnant de nombreuses compétences à l'Office européen des brevets (OEB), organisme externe à l'UE et sans contrôle démocratique, et malgré tous les avertissements concernant la base juridique du règlement sur le brevet unitaire, fortement suspectée de ne pas être conforme aux traités de l'Union. Dans un tel contexte, seule une mobilisation citoyenne importante peut encore empêcher le brevet unitaire de finir en projet mort-né, au détriment de l'innovation européenne. Afin d'informer les députés européens de ces dangers, voici quelques indications et suggestions concrètes pour agir en les contactant.

Objectif

Faire que les eurodéputés en commission des affaires juridiques (JURI) votent nos amendements qui ont été déposés par les europédutés du groupe Verts (Eva Lichtenberger et Christian Engström).

L'amendement le plus important en JURI est le n°60 qui s'assure que le droit matériel des brevets (ce qui peut être breveté ou non, et à quelles conditions) fait partie du droit de l'Union. Cela permet de s'assurer de la possibilité de poser à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) des questions préjudicielles portant sur le droit matériel des brevets – par exemple, lui demander si un éventuel brevet logiciel accordé par l'Office européen des brevets (OEB) n'est pas contraire à la non-brevetabilité du logiciel selon l'article 52.2 de la Convention européenne des brevets.

Évidemment, si l'amendement n° 64 passait, ce serait idéal car il interdit directement et sans ambiguïté les brevets logiciels (en se basant sur ce qu'avait voté le Parlement européen en 2003). Cependant, le rapporteur socialiste allemand, Berhard Rapkay, a indiqué qu'il ne souhaitait pas traiter directement de ce problème spécifique dans le cadre de ce règlement sur le brevet unitaire. Il a par contre également indiqué que le Parlement devrait adresser la question dans une directive ultérieure, ce qui est exactement l'objet de l'amendement n° 62.

Les amendements à rejeter sont les n° 65, 66, 67 et 75, déposés par la député suédoise du groupe ALDE, Cecilia Wikström sous la pression du microcosme des brevets. En effet, ces amendements suppriment le contrôle démocratique qui devrait être exercé par les institutions au profit d'un système entièrement contrôlé par le microcosme des brevets, au mépris du droit à un procès équitable et de la possibilité de faire appel devant une juridiction indépendante.

Arguments

Il y a deux angles sur lesquels on peut argumenter, qui se rejoignent dans la mesure où les problèmes qu'ils soulèvent sont corrigés par nos amendements :

  • la nécessité que le législateur garde la maîtrise du droit des brevets et ne laisse donc pas un degré trop élevé d'indépendance à l'OEB ;
  • le fait qu'en l'état, la validité juridique du règlement est pour le moins contestable et le projet risque fort de se faire annuler par la CJUE.

Pour une explication plus détaillée sur les amendements, n'hésitez pas à consulter le diaporama de présentation sur le brevet unitaire, ou à écouter la conférence faite par Gérald Sédrati-Dinet sur le brevet unitaire à l'occasion des 15 ans de l'April.

L'April a également envoyé un courrier au responsable du service juridique du Conseil, lui demandant de clarifier certaines difficultés juridiques du texte. N'hésitez pas à consulter ce courrier pour plus d'informations sur les questions juridiques que le projet de règlement soulève2.

Comment contacter les eurodéputés ?

Les coordonnées des députés se trouvent sur le site mémoire politique. Dans la fiche de chacun d'eux, il y a souvent le résultat de ce qu'ils ont voté précédemment sur des sujets nous intéressant, cela donne une idée de l'interlocuteur.

Le premier numéro de téléphone est celui du député et le second celui de son assistant. Ceci dit, on peut en général les utiliser indifféremment, c'est toujours l'assistant qui répond sur les deux. D'après les retours d'expérience, les assistants étaient très agréables et en général contents que l'on s'intéresse à leur travail et qu'on leur fournisse de l'expertise pour bien le faire.

Qui contacter en priorité ?

Pour plus d'informations, toute question ou nous remonter vos actions, n'hésitez pas à nous contacter, par mail (contact@april.org) ou sur le salon de discussion de l'April (accès par webchat).

  • 1. Le 21 novembre, la commission aux affaires juridiques (JURI) a eu un débat dans lequel certains eurodéputés ont insisté pour créer une juridiction d'exception pour les litiges relatifs aux brevets, alors que d'autres, suivant nos propres arguments, ont averti que la rédaction actuelle du règlement présentait des problèmes juridiques. Le 22 novembre, JURI a donné un mandat aux rapporteurs pour négocier avec le Conseil et la Commission, sous la condition explicite de ne rien changer à l'architecture du projet. Le 23 novembre la commission ITRE (Industrie, recherche et énergie) a voté son rapport pour avis, ignorant les amendements qui aurait corrigé les problèmes soulevés par ce projet. Le Conseil est sur le point, le 5 décembre, de se mettre d'accord à propos d'une juridiction unifiée et spécialisée sur les brevets, que l'on a prévu d'inaugurer lors d'une cérémonie d'auto-congratulation le 22 décembre, deux jours après que JURI aura adopté son rapport et deux mois avant que le Parlement européen ne définisse sa position en séance plénière, ce qui est présenté comme une simple formalité.
  • 2. Voir également l'analyse juridique complète sur ces questions.