Consultation de la Cour des comptes : soutenir la proposition d'évaluation des dépenses de logiciels de l'État

Mise à jour le 22 juillet 2022 : La Cour des comptes a sélectionné les 6 sujets qui feront l'objet de contrôle suite à la consultation qu'elle a mené. Malheureusement, l'évaluation des dépenses de logiciels de l'État, 12e la plus soutenue de la plateforme, n'a pas été retenue.

Dans l'objectif de « renforcer les liens des juridictions financières avec les citoyennes et citoyens », la Cour des comptes a ouvert jusqu'au 20 mai 2022 une plateforme de consultation afin de permettre à celles et ceux qui le souhaitent de proposer des thèmes nouveaux sur lesquels l'institution pourrait exercer sa mission de contrôle de l'action publique. L'une des propositions est d'« évaluer les dépenses de logiciels et de services en ligne des administrations centrales ». L'April appelle l'ensemble des personnes soucieuses d'un plus large usage du logiciel libre dans le secteur public à soutenir cette proposition.

Soutenir la proposition pour une évaluation des dépenses de logiciels

La Cour des comptes présente ainsi son initiative : « dans leur projet stratégique intitulé JF2025, les juridictions financières, c’est-à-dire la Cour et les chambres régionales et territoriales des comptes, ont défini douze grandes orientations pour les cinq années à venir. La première est de renforcer les liens des juridictions financières avec les citoyennes et citoyens, et de mieux les impliquer en tant qu’usagers, contribuables, électeurs ou simplement acteurs de la vie publique. La plateforme citoyenne fait partie de ce processus. L’idée est d’associer les citoyennes et citoyens très en amont, dès le choix des sujets de contrôle. ». La plateforme, basée sur le logiciel libre Decidim, est ouverte à toute personne jusqu'au 20 mai 2022. Il est nécessaire de se créer un compte pour participer, il est possible de s'inscrire sous pseudonyme et la seule donnée personnelle demandée est une adresse courriel.

La consultation aura deux utilités pour la Cour des comptes, « pendant et à l’issue de la consultation, l’ensemble des contributions seront étudiées par la Cour. Les contributions éligibles seront intégrées dans une base de données rendue publique. » Puis, dans un second temps, elle sélectionnera six thèmes parmi les contributions éligibles sur la base de six critères : nouveauté, auditabilité, plus-value de la Cour, popularité, diversité des sujets, adéquations des moyens. « À l’issue de ses délibérations, la Cour communiquera les contributions sélectionnées et inscrites à son programme de travail pour l’année suivante. Les rapports élaborés sur cette base seront rendus publics. » Les engagements de transparence affichés sont des gages intéressants qu'il convient de noter.

Évaluer les dépenses de logiciels et services en ligne des administrations centrales

L'une des propositions les plus soutenues est celle de Stefane Fermigier, co-président du CNLL (Union des entreprises du numérique ouvert), pour « évaluer les dépenses de logiciels et services en ligne des administrations centrales ». Une proposition dont l'ambition est de couvrir le plus large spectre possible des dépenses informatiques de l'État, notamment en ventilant ces dépenses selon plusieurs critères (type d'acquisition, type de logiciels, taille des fournisseurs, etc.). Une telle évaluation semble en effet très pertinente pour mieux appréhender la réalité des dépendances de l'État à certaines solutions privatrices, et en tout état de cause, un prérequis à la mise en œuvre d'une politique un tant soit peu ambitieuse pour un plus plus grand usage du logiciel libre au sein des administrations publiques.

On rappellera que la Cour des comptes, dans son rapport public annuel 2018, avait validé la stratégie de la direction interministérielle du numérique1, notamment sur le recours aux logiciels libres, et avait émis des recommandations pour qu'elle soit amplifiée et relayée au sein des services de l'État. L'évaluation proposée ira pleinement dans le sens de ces recommandations et appuiera utilement le « plan d'action logiciels libres » du gouvernement lancé en novembre 2021.

L'April salue cette proposition et appelle l'ensemble des personnes soucieuses d'un plus large usage du logiciel libre dans le secteur public à la soutenir et à y contribuer en partageant des arguments en commentaire.

Évaluer les dépenses de logiciels et services en ligne des administrations centrales

Que concerne mon sujet ?

Il s'agit d'évaluer les dépenses liées au logiciel par les administrations centrales, sous toutes leurs formes: licences "classiques", "SaaS", services en lignes, logiciels libres, etc. L'étude fera apparaître, notamment, les ventilations par:

  • ministère.
  • type d'acquisition: licences perpétuelles "classiques", "SaaS" (i.e. location), cloud, logiciel libres, développements spécifiques, services annexes (support / maintenance...), etc.
  • type de logiciels: applicatifs génériques (bureautique, collaboration...), applicatifs métiers, infrastructure (dont cloud), outils…
  • taille des fournisseurs: TPE / PME / ETI / grands groupes.
  • origine géographique: France, Europe, Etats-Unis, etc.
  • acteurs dominants ou non: on prendra le soin de distinguer les hyperscalers (communément appelés "GAFAM") des autres fournisseurs.
  • dans le cas des logiciels libres: type de contractualisation (notamment: avec un éditeur ou avec un intégrateur)

Quelle doit être la période d’étude ?

Sur les 3 dernières années au moins, et si possible depuis 5 ans afin d'évaluer les retombées de la loi République Numérique (cf. infra)

Pourquoi ce sujet doit-il faire l’objet d’un rapport de la Cour des comptes ?

Le sujet de la souveraineté numérique a fait l'objet ces dernières années de plusieurs rapports parlementaires (Morin-Desailly, Longuet, Latombe) ainsi que d'un rapport du CESE (Thieulin). Tous ces rapports constatent une dépendance de plus en plus forte des administrations à des logiciels d'origine étrangère, et notamment vis-à-vis d'un petit nombre d'acteurs en position dominante, par exemple, pour les systèmes d'exploitation (Microsoft, Apple, Google), la bureautique (Microsoft), la collaboration (Microsoft, Google, Zoom...) ou le cloud (Google, Amazon, Microsoft).

Afin de mieux évaluer ces dépendances, il apparaît utile d'ajouter à ces constats qualitatifs des évaluations quantitatives, qui pourront mettre en évidence des évolutions, et aider à mieux piloter des politiques de sortie de ces dépendances, notamment en privilégiant l'achat auprès de fournisseurs français ou européens.

Par ailleurs, la loi République Numérique (ou loi Lemaire), promulguée en 2016, prévoit que les administrations doivent « préserver la maîtrise, la pérennité et l’indépendance de leurs systèmes d’information [...] [en] encourage[ant] l’utilisation des logiciels libres et des formats ouverts lors du développement, de l’achat ou de l’utilisation, de tout ou partie, de [leurs] systèmes d’information.» Compte-tenu de son caractères non-coercitif, il est néanmoins actuellement difficile d'évaluer globalement l'impact de cette loi sur l'évolution de la commande publique en matière de logiciels, et notamment de logiciels libres. Ce rapport permettra d'évaluer l'impact de cet article, et le cas échéant pourra motiver un renforcement de sa mise en œuvre par une politique d'achat plus directive.

Enfin, plusieurs propositions ont été faites, notamment dans les rapports sus-cités, concernant la mise en place de quotas (de logiciels français ou européens, de logiciels libres...). Ce rapport permettra d'établir une base de référence et viendra éclairer les décideurs politiques sur l'opportunité et sur les modalités éventuelles de la mise en œuvre de tels quotas.

  • 1. À l'époque la DINSIC (Direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État), devenue DINUM en 2019 (direction interministérielle du numérique)