Brevet unitaire : un compromis qui écarte le Parlement, le droit européen et les citoyens

Paris, le 21 novembre 2012. Communiqué de presse.

Le lundi 19 novembre 2012, la Commission des Affaires Juridiques (JURI) du Parlement européen a tenu un débat exceptionnel sur le brevet unitaire, auquel assistait le Commissaire européen chargé du marché intérieur Michel Barnier. Selon nos informations, celui-ci s'est félicité du compromis trouvé au Conseil par la présidence Chypriote. Pourtant, et comme l'avait souligné l'April, cette solution viole le droit européen, et ne présente aucun garde fou démocratique. Ces questions ont été évacuées, alors même que la Commission est au courant de l'illégalité probable du projet.

Par conséquent, plusieurs eurodéputés ont montré un enthousiasme limité pour cette proposition, certains, comme Eva Lichtenberger (Verts/ALE) ou Françoise Castex (Parti Socialiste), s'opposant même directement à la nouvelle mouture du Conseil.

Malgré tout, il semble que le texte sera à nouveau présenté devant la plénière du Parlement européen le 11 décembre 2012, faisant suite à un vote du Conseil de l'Union Européenne le 10 décembre.

L'absence de communication publique de la part du Parlement européen marque de plus le manque d'empressement sur le dossier : alors que les débats n'ont pas été diffusés pour des raisons techniques, et que le contenu de la proposition du Conseil n'est d'ailleurs pas public1, aucune communication officielle n'a été faite par le Parlement.

« De facto, le Parlement est aujourd'hui exclu de toute décision sur le brevet unitaire » explique Jeanne Tadeusz, responsable des affaires publiques à l'April. « Si les exigences du Conseil sont maintenues, il n'y aura pas de vrai débat puisque le Parlement aura le choix entre adopter les évolutions exigées par les États membres ou de renvoyer l'ensemble du texte au Conseil, qui a d'ors et déjà annnoncé que le compromis avait été trop difficile à trouver pour être amendable. »

Et Gérald Sédrati-Dinet, conseiller bénévole sur les brevets, de conclure : « tout le traitement de ce dossier est un véritable exemple du mépris des institutions et de la construction européenne : au lieu de faire un vrai brevet européen, on le confie à des organismes externes à l'Union, on tente d'empêcher le Parlement de s'exprimer et on ne respecte pas l'ordre juridique communautaire. Le rapporteur sur le projet de règlement, Bernhard Rapkay, avait pourtant défini une "ligne rouge" à ne pas franchir2. C'est pourtant ce qu'il s'apprêterait à faire en poussant la plénière à se prononcer dès décembre. »

L'April appelle donc le Parlement européen à repousser le vote en plénière après l'avis de la Cour de Justice Européenne, qui devrait rendre sa décision sur la légalité de la coopération renforcée début 2013 (l'avis de l'Avocat Général est attendu pour le 11 décembre 2012). Le Parlement européen ne peut en effet pas voter sans certitude de la validité juridique du texte dans tous ses aspects, ce qui passe aussi par un avis public du service juridique du Parlement européen sur la solution chypriote, puisque celui-ci n'a pas encore eu l'occasion de se prononcer. Enfin, l'accès de tous aux documents d'analyse sur la légalité de la juridiction unifiée3 est crucial pour que les eurodéputés puissent avoir toutes les informations en main.

Il faut donc faire entendre notre voix sur ce dossier qui nous concerne tous, afin d'assurer que le brevet unitaire soit réellement sûr juridiquement, et respecte nos droits et libertés, dont la liberté de programmer. Il est donc crucial de continuer à contacter les eurodéputés, et avant tout le rapporteur du projet, Bernhard Rapkay, pour lui rappeler l'importance des incertitudes juridiques que fait peser le projet de brevet unitaire. Les entreprises peuvent également signer la résolution proposée par l'April.

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Contacts presse :

Frédéric Couchet, délégué général, fcouchet@april.org +33 6 60 68 89 31
Jeanne Tadeusz, responsable affaires publiques, jtadeusz@april.org +33 1 78 76 92 82
Gérald Sédrati-Dinet, conseiller bénévole sur les brevets, gibus@unitary-patent.eu +33 6 60 56 36 45

  • 1. Le texte du compromis a cependant été publié par PC INpact.
  • 2. Les trois "lignes rouges" sont :
    • La base juridique de l'article 118 ne doit pas être détruite
    • La procédure devant la Cour européenne de justice ne doit pas être remise en question
    • Les droit du Parlement européen ne doivent pas être violés
    Voir également à ce sujet de communiqué de presse de la FFII (en anglais).
  • 3. document du conseil 15856/11 sur la légalité de la juridiction unifiée du brevet vis-à-vis de l'avis 1/09 de la CJUE.