Brevet unitaire : mais qui veut encore du projet actuel ?

Le jeudi 26 septembre 2013, quinze entreprises parmi lesquelles Apple, Google, Microsoft, ... ont publié une lettre ouverte pour exprimer leurs inquiétudes sur le brevet unitaire. Ils soulignent l'insuffisance de garde-fous et le risque de voir les patent trolls1 exploser en Europe. L'April, qui dénonce depuis longtemps2 les risques causés par le projet actuel de brevet unitaire, se réjouit de voir ce constat enfin partagé par ces entreprises, après la lettre ouverte signée par près de 500 entreprises européennes en 2012. En revanche, les solutions proposées par les entreprises dans cette lettre sont insuffisantes pour assurer la fin des brevets logiciels et une vraie politique favorable à l'innovation, luttant contre les brevets logiciels.

Les deux problèmes soulignés dans ce texte sont la bifurcation (c'est-à-dire la possibilité ouverte de juger la violation d'un brevet et la validité de ce même brevet séparément) et les injonctions (la possibilité pour un titulaire de brevet de faire interdire un produit par un juge, y compris si le brevet ne porte que sur une petite partie du produit final), deux armes parmi les favorites des patents trolls.

En effet, la bifurcation peut entraîner la condamnation d'entreprises pour violation de brevet, alors que celui-ci n'est pas valide - puisque la décision sur la validité du brevet n'est rendue que plus tard. Et les injonctions permettent de faire interdire la commercialisation de produits, y compris pour des brevets triviaux.

Pour autant, et si ces deux questions sont réelles, les difficultés du brevet unitaire vont plus loin et changer les règles de procédure, comme cette lettre ouverte le suggère, ne suffira pas à l'améliorer suffisamment pour le rendre favorable à l'innovation et compatible avec le droit européen. La structure même du brevet unitaire, qui abandonne tout le pouvoir au microcosme des brevets, doit être remise en cause et pas seulement faire l'objet de modification cosmétique.

De plus, si la lettre ouverte pose justement le problème des patent trolls, elle ne permet pas d'y répondre pleinement. Seul un rappel, clair et une bonne fois pour toute, de l'interdiction des brevets logiciels3 en Europe permettrait de répondre efficacement à cette menace.