Brevet Unitaire : la désunion des universitaires et des avocats rend sa révision de plus en plus incontournable

Cet automne, les critiques pleuvent sur le projet de brevet unitaire renforçant un peu plus le rang des partisans de sa révision. En l'état actuel, ce projet de règlement européen est bancal : fondements juridiques incertains, efficacité douteuse, risques de partialité de la nouvelle Cour… Mais il présente surtout un danger majeur: il porte en lui le retour du brevet logiciel, construction juridique hautement nocive pour le logiciel libre. En octobre le Parlement européen, s'est violemment opposé au Conseil (qui regroupe les représentants des chefs d'États et de gouvernements) au sujet de ce règlement, attestant ainsi de la difficile viabilité du texte. Plus récemment, des universitaires et des avocats ont signé une motion pour dénoncer le processus d'adoption du projet. D'autres continuent à publier des analyses très critiques. Il est plus que jamais important de se mobiliser et de s'associer à ces objections en faisant entendre nos craintes légitimes sur le retour du brevet logiciel. Les institutions européennes devront ainsi revoir leur copie.

Des professeurs de droit et des avocats expriment leurs doutes au sujet du projet de juridiction européenne spécialisée en matière de brevets d'invention

« Dans l’intérêt légitime et démocratique de la sécurité juridique et des dépenses publiques, il nous apparaît essentiel de faire la lumière d’urgence sur cette question préalable de la légalité du système proposé dans son principe même d’une juridiction à caractère international et excluant la compétence des juridictions des États membres. »1

La motion signée par des professeurs de droit et des avocats dénonce le manque de transparence de la procédure d'adoption du projet. En effet, suite à l'avis négatif de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) rendu le 8 mars 2011, le projet a été amendé sans que le projet ait été publié (l'accès n'est possible que pour les parlementaires). Le 11 juillet 2011, la délégation luxembourgeoise à l'Union européenne auprès de la Commission avait posé des questions sur la légalité du projet et les réponses n'avaient elles aussi pas été publiées. Cette opacité de la procédure conforte les craintes quant à la légalité du projet et empêche un réel débat public sur un sujet aussi important pour les entreprises européennes.

L'institut Max-Planck propose une nouvelle analyse du projet qui lui est peu favorable

« En dépit des progrès du processus politique, nous pensons qu’il est indispensable de reconsidérer à nouveau le contenu du projet de brevet unitaire. »2

L'Institut Max-Planck3, dans une récente analyse, met une nouvelle fois en lumière les imperfections du projet de brevet unitaire. En comparaison avec les projets précédents, il s'agit d'après l'Institut, d'un recul significatif en termes de qualité du droit des brevets et de viabilité juridique. Il pointe sa complexité, ses déséquilibres et le manque de certitude juridique pour les investissements dans l'innovation.

La mobilisation doit se poursuivre

Ces nombreuses critiques remettent un peu plus en cause la viabilité du projet et martèlent la nécessité de sa révision. Le projet sera probablement examiné lors du Conseil européen des 22 et 23 novembre 2012 ou lors du Conseil compétitivité des 10 et 11 décembre. Le dossier reviendra ensuite au Parlement européen. Il faut continuer à se mobiliser et à appeler des députés européens afin de faire entendre ces objections et de travailler à un système rejetant catégoriquement toute brevetabilité du logiciel. Les entreprises peuvent quant à elles se mobiliser en signant la résolution proposée par l'April à cet effet.