L'Etat d'Internet 1999: Le phénomène 'open source' et Linux

  1. Introduction
  2. L'exemple du développement des logiciels: un succès incontestable
    1. Il était une fois
    2. Une question de liberté
    3. Linux, le grand gagnant
  3. « Open Law » : Quand le juriste s'en mêle
    1. Sortir le juriste de l'isolement
    2. La balance des probabilités
    3. La première tentative: Eldred v. Reno
  4. Conclusion
  5. Bibliographie

Introduction

[1] Tout le monde est au courant, Internet se développe actuellement à une vitesse incroyable. En fait, Internet croît plus rapidement que toute autre technologie connue jusqu'à présent. Cette croissance semble, jusqu'à maintenant, être exponentielle. En effet, cette année encore, le taux de croissance des adresses Internet à augmenté, passant de 46% à 53% pour atteindre un total de 56 millions d'adresses (MIDS, 1999). Le succès de ce réseau TCP/IP est donc indéniable.

[2] L'évolution d'un réseau de cette ampleur nécessite évidemment la mise sur pied et le maintient de nombreux standards. Pourtant, aucun gouvernement n'a été en mesure d'assurer le respect des standards sur Internet. Qu'est-ce qui explique alors la réussite d'Internet? La réponse à cette question se trouve dans la collectivité des internautes.

[3] En effet, sur Internet, ce sont les membres du réseau qui veillent eux-mêmes au respect des standards adoptés, par le biais de l'Internet Engineering Task Force (IETF, 1999). Cette organisation  réussi où d'autres ont échoué grâce à sa politique de documentation ouverte et à son processus ouvert d'élaboration des standards. Cela signifie que n'importe quel individu peut participer aux travaux de l'IETF et que ces travaux sont disponibles gratuitement pour le public. Bref, l'IETF permet à tous les acteurs intéressés de prendre part au processus d'élaboration des normes techniques sur Internet.

[4] C'est sur le même genre de principe qu'est basé le succès des communautés du logiciel libre et de l' « open source » dans le domaine de la conception de logiciels. Tout comme l'IETF, les partisans de ces mouvements croient dans la force de la communauté. Selon eux, le travail en communauté, par le biais de l'échange d'information et de l'entraide, permet d'évoluer beaucoup plus rapidement et d'atteindre des résultats d'une qualité supérieure. À titre d'exemple, ils citent le système d'exploitation LINUX qui a été développé par des milliers de « hackers » (programmeurs) répartis un peu partout sur la terre. Or, LINUX connait un succès retentissant à l'heure actuelle.

[5] LINUX, que l'on devrait plutôt nommer GNU/Linux, est en fait le projet de ce type ayant eu le plus grand impact jusqu'à maintenant. Son développement est encore loin d'être terminé et peut-être ne le sera-t-il jamais. Pourtant, depuis deux ans, GNU/Linux a complètement transformé le marché des systèmes d'exploitation par sa diffusion à grande échelle. GNU/Linux rend disponible gratuitement un système d'exploitation de type Unix complet et sérieux. Le mouvement est tellement important, que même Microsoft admet que GNU/Linux est actuellement plus populaire que Windows 98 (LETTICE, 1999).

[6] De plus, comme nous l'illustre l'exemple de l'IETF, il nous semble que l'esprit des mouvements du logiciel libre et de l'  « open source » peut trouver application dans d'autres sphères de connaissance que le développement de logiciel. Dans cette optique, nous démontrerons qu'il peut parfois être avantageux pour le juriste d'utiliser la méthode mise de l'avant par les programmeurs d'Internet. C'est ce que le professeur Lawrence Lessig de l'Université Harvard nomme « open law ». Mais, avant d'aborder ce raisonnement, il convient de bien comprendre ce que constitue les phénomène du logiciel libre et de l'« open source ».

: L'exemple du développement des logiciels : un succès incontestable

Il était une fois

[7] Au cours des années '60 les ordinateurs fonctionnaient sous la forme d'unités centrales et les usagers se servaient de terminaux pour utiliser les ressources du processeur. À cette époque, le développement de logiciels ne fonctionnait pas du tout de la même façon qu'aujourd'hui. En fait, puisqu'il n'y avait aucune compatibilité entre les ordinateurs des différents constructeurs, les logiciels étaient fournis par le vendeur lors de l'achat du matériel. Les usagers ne faisaient donc peu de différences entre l'ordinateur et les logiciels. De plus, à cette époque, les codes sources étaient généralement fournis avec les logiciels.  Cela permettait aux acheteurs d'adapter les logiciels à leurs besoins particuliers.

[8] Mais vers la fin de cette décennie, Digital Equipement Corporation (DEC) commercialise sa série PDP. La principale qualité de ces ordinateurs était leur prix. En effet, ces ordinateurs étaient abordables pour toutes sortes d'institutions. Aussi, un grand nombre d'universités achetèrent des PDP-10. Grâce à cela, pour la première fois, un grand nombre d'utilisateurs se retrouvaient avec des ordinateurs compatibles entre eux. Cela eu pour conséquence de favoriser l'échange d'information et éventuellement de logiciels.

[9] Avec l'apparition d'une demande pour le développement de logiciel, les programmeurs commencèrent à être grandement recherchés par l'entreprise privée. Les salaires offerts incitèrent plusieurs d'entre eux à quitter les laboratoires de recherche dans lesquels ils travaillaient jusque là. Bon nombre de laboratoires informatiques universitaires durent fermer leur porte pour cette raison. L'industrie du logiciel, telle que nous la connaissons aujourd'hui, étaient née.

[10] Après plusieurs années, DEC cessa finalement la production de la série PDP-10.  Malheureusement, avec le système qui succéda au PDP-10, les codes sources des logiciels ne furent pas disponible pour les acheteurs.  C'est ce qui amena Richard Stallman à constater les effets négatifs de la propriété d'un logiciel sur son développement. Il se rend compte qu'en cachant les codes sources d'un logiciel, il devient impossible pour l'utilisateur de l'adapter à ces propres besoins, et par conséquent d'améliorer le produit. Il fonde donc, en 1971, la Free Software Fondation (FSF, 1999) afin de favoriser la conception de ce qu'il nomme les « free softwares » (logiciels libres). Le principal projet de la FSF consistait dans la création d'un système d'exploitation Unix entièrement libre. Ce projet, appelé GNU (Gnu's Not Unix), est toujours le projet principal de la FSF de nos jours. Mais même si le projet a connu certaines difficulté, le système d'exploitation entièrement libre existe bel et bien aujourd'hui, grâce à Linus Torvald, l'instigateur du projet LINUX.

[11] Pour sa part, le terme « open source » n'est apparu que le 3 février 1998 lors d'une réunion entre les principaux acteurs en matière de logiciels libres. Cette rencontre avait été organisée en réaction à l'annonce faite par la société Netscape de rendre public les codes sources de son célèbre fureteur. Ceux qui étaient présents jugeaient que le moment était idéal pour tenter de convaincre l'industrie du logiciel d'embrasser leur modèle de développement. Or, du point de vue de certains, l'appellation « free softwares » ne convenait pas du tout puisque le milieu des affaires ne voit généralement pas d'un bon oeil ce qui est gratuit. Plusieurs décidèrent donc de changer la terminologie et d'adopter les termes « open source ». Richard Stallman qui n'était pas présent lors de cette réunion hésita avant de décider qu'il n'adopterait pas les nouveaux termes. Selon lui, les termes logiciels libres veulent dire plus que la simple disponibilité des codes sources: cela signifie une liberté totale, la liberté de faire pratiquement n'importe quoi avec le logiciel visé.

Une question de liberté

[12] Le mouvement « open source » se fonde donc principalement sur la notion de logiciel libre. Celle-ci se définit, selon Richard Stallman, par l'existence de quatre caractéristiques principales. Tout d'abord, l'usager doit avoir la liberté d'utiliser le logiciel dans n'importe quelle situation. Ensuite, l'usager doit avoir la liberté de modifier le logiciel pour l'adapter à ses besoins. De plus, la possibilité de redistribuer des copies du logiciel, gratuitement ou pour de l'argent, doit être présente. Enfin, il doit être possible de redistribuer des copies modifiées du logiciel afin que la communauté bénéficie des améliorations apportées par l'usager. (STALLMAN, 1999)

[13] Contrairement à ce que plusieurs croient, le concept de logiciels libres n'implique donc pas nécessairement la gratuité du produit. Par contre, une fois le logiciel acheté, l'usager doit jouir d'une liberté complète.

[14] Le concept « open source » possède lui aussi sa propre définition. Celle-ci, bien que plus détaillée, ressemble étrangement à la première. Elle a été élaborée suite à la réunion du 3 février 1998 mentionnée précédemment. Premièrement, les termes « open source » impliquent la liberté de redistribuer le logiciel. Cela signifie que toute personne peut le vendre ou le donner à l'intérieur d'une compilation comprenant des logiciels provenant de différentes sources, et ce sans rétribution pour l'auteur du logiciel.  Deuxièmement, les codes sources doivent être disponibles. Ceux-ci peuvent être inclus avec le logiciel ou être disponible gratuitement sur Internet. Troisièmement, le travail dérivé est permis. Ainsi, toute personne peut modifier le logiciel et peut en distribuer le résultat sous le même régime juridique. Quatrièmement, il doit y avoir absence de discrimination entre les utilisateurs, et, cinquièmement, absence de discrimination envers les types d'utilisation. Sixièmement, les mêmes droits et obligations doivent s'attacher aux logiciels redistribués. Ceci doit se faire automatiquement, sans que l'usager n'ai besoin de signer de licence.  Enfin, septièmement, les droits et obligations ne doivent pas être spécifiques à un produit. De cette façon, si une partie du logiciel est extraite et redistribuée, les mêmes droits et obligations s'appliquent aux usagés de la partie redistribuée. (PERENS, 1999)

[15] Concrètement, cela signifie que plutôt que de travailler seul sur un projet et de se l'approprier, l'auteur rend les codes sources et la structure interne du logiciel disponible au public. Ainsi, toute personne intéressée peut l'utiliser, l'améliorer et le modifier en autant qu'elle respecte elle aussi les mêmes règles.  L'usager hérite donc d'une liberté qui n'existe pas dans le modèle traditionnel du développement de logiciel. C'est cet afflux de liberté qui constitue le coeur des modèles du logiciel libre et de l' « open source ». Leur principale conséquence est de transférer le développement du logiciel dans les mains de la communauté des usagers. Celle-ci devient alors le moteur du développement du logiciel.

[16] De plus, l'appât du gain n'est pas la principale motivation des programmeurs qui participent à ce type de développement. Avant tout, ceux-ci s'impliquent afin d'obtenir du prestige à l'intérieur de leur communauté.

[17] Dans un article intitulé « The Cathedrale and the Bazaar » (RAYMOND, 1998), Eric Raymond étudie les caractéristiques du développement « open source » en les comparant avec celles du modèle traditionnel du développement de logiciel. À partir d'un test qu'il a effectué, il énumère plusieurs principes qui s'appliquent selon lui à l'élaboration d'un logiciel. Il les étudie ensuite selon la perspective traditionnelle (Cathedral) et la perspective « open source » (Bazaar). Cet article a joué un rôle important dans l'évolution du mouvement « open source ». Il a d'ailleurs grandement influencé la décision de la société Netscape de rendre les codes sources de son fureteur disponible au public. Il nous apparaît donc essentiel de reprendre ici quelques unes de ses conclusions.

[18] Tout d'abord, selon Eric Raymond, les bonnes idées apparaissent lorsque l'on travaille sur quelque chose que l'on aime. Or, lorsque l'on utilise le modèle traditionnel de développement, les programmeurs n'ont pas toujours le choix du projet. En effet, celui-ci est souvent imposé par l'entreprise pour laquelle ils travaillent. Par contre, en suivant le modèle « open source », chacun est libre de se joindre au projet qui l'intéresse.

[19] Ensuite, il constate qu'il est plus facile de débuter à partir d'une solution partielle que de débuter à partir de rien du tout. Pourtant, du point de vue traditionnel, il est difficile d'utiliser le travail des autres à cause de l'existence des droits d'auteur. Aussi, les programmeurs commencent souvent à partir de rien, ce qui signifie qu'ils refont ce qui a déjà été fait. Au contraire, en « open source »,  les programmeurs débutent avec quelque chose qu'ils jugent prometteur et ils l'améliorent, la contribution pouvant être grande ou petite.

[20] Il explique également que quand un programmeur perd son intérêt pour un programme, il doit le laisser entre les mains d'un successeur compétent. Traditionnellement, si l'entreprise décide d'abandonner un projet, celui-ci tombe à l'eau puisqu'on ne peut le laisser dans les mains d'un concurrent. Par contre, sous le modèle « open source », rien n'empêche l'instigateur d'un projet de le laisser évoluer dans les mains de quelqu'un d'autre.

[21] Un autre principe fondamental selon Eric Raimond est qu'en traitant les utilisateurs comme des co-développeurs on améliore le produit beaucoup plus rapidement. Malheureusement, les entreprises ont tendance à percevoir les utilisateurs comme des acheteurs et ceux-ci n'ont pas accès au processus de développement. De plus, les ressources étant limitées, on peut difficilement travailler sur plusieurs projets en même temps. À l'opposé, selon le modèle « open source », tout utilisateur peut améliorer le produits en fonction de sa propre utilisation. Cette façon de faire libère les programmeurs qui peuvent ainsi gérer plusieurs projets en même temps.

[22] Eric Raymond affirme également qu'il faut rendre le produit disponible tôt et souvent. Traditionnellement on ne le fait pas parce que l'entreprise veut éviter que le consommateur se retrouve avec un produit imparfait entre les mains. Pourtant, cela permet de garder les concepteurs motivés car ils voient rapidement le résultat de leur travail et cela permet de maximiser le nombre d'heures/homme investit dans le développement puisque chacun est au courant des dernières modifications.

[23] Mais le principe le plus important est certainement qu'en ayant un grand nombre de concepteurs et de testeurs, tous les problèmes seront trouvés rapidement et la solution sera toujours évidente pour l'un d'entre eux. Toutefois, le développement traditionnel des logiciels se fait généralement avec une petite équipe puisque les coûts doivent être réduits. Dans ces circonstances, les programmeurs peuvent passer à côté d'un problème sans le voir, et les solutions peuvent paraître indûment complexes. Par contre, lorsque des centaines de personnes cherchent une solution, comme c'est le cas lorsque l'on utilise le développement « open source », il y a beaucoup plus de chance que celle-ci soit évidente pour l'une d'entre elles. Et puisque chaque utilisateur se sert différemment du logiciel, ils découvriront des problèmes auxquels les concepteurs n'auraient pas songés au départ.

[24] Enfin, Eric Raymond précise qu'il faut savoir reconnaître les bonnes idées des utilisateurs. Or, traditionnellement, les utilisateurs n'étant pratiquement pas impliqués dans le développement, les concepteurs ne sont pas au courant de leurs idées. Selon le modèle « open source », celui qui est à la tête du projet devient souvent un chef d'orchestre qui ne fait que coordonner les différents projets des utilisateurs/concepteurs. Dans ce cas, les meilleures idées proviennent souvent des utilisateurs.

[25] Vu sous cet angle, les modèles de développements du logiciel libre et de l' « open source »semblent offrir de nombreux avantages par rapport à la méthode traditionnelle de développement. Et le succès qu'a connu le système d'exploitation GNU/Linux au cours des deux dernières années démontre que ces avantages ne sont pas que théoriques.

Linux, le grand gagnant

[26] La première version de LINUX est apparue en 1991. À cette époque, Linus Torvald, alors âgé de 22 ans, modifie un système Minix pour créer son premier Kernel (le noyau du système d'exploitation). Il décide alors de publier son travail sur Internet, ce qui lui permet d'obtenir immédiatement plusieurs commentaires. De nombreuses personnes se sont intégrées à son projet dans un court laps de temps, ce qui permit à celui-ci de grossir très rapidement. Depuis, le projet n'a cessé de prendre de l'expansion. LINUX se perfectionnant de plus en plus, un nombre grandissant de personnes se sont intéressées au projet.

[27] Ajourd'hui, LINUX prend le nom de GNU/Linux vu son imbrication dans le projet de la Free Software Foundation.  GNU/Linux possède plusieurs caractéristiques qui en font un système d'exploitation avantageux par rapport aux autres systèmes commerciaux offerts au public. Tout d'abord, GNU/Linux permet l'utilisation des ressources du processeur par plusieurs utilisateurs. Il est donc possible de faire fonctionner plusieurs terminaux avec un seul système utilisant GNU/Linux. Ensuite, GNU/Linux est compatible avec une multitude de plates-formes et consomme très peu de ressources, ce qui n'est souvent pas le cas des autres systèmes d'exploitation. GNU/Linux est également très performant au niveau de l'environnement réseau. Finalement, il s'agit d'un système d'exploitation particulièrement stable.

[28] Aujourd'hui, GNU/Linux est le système d'exploitation avec le plus haut taux de croissance sur le marché.  On estime qu'il est employé par environ 10 000 000 d'utilisateurs (O'REILLY, 1998). Mais c'est surtout au niveau des serveurs Web que GNU/Linux est prédominant. La majorité de ceux-ci utilise un serveur Apache (un autre logiciel « open source ») sur un système GNU/Linux. Aussi, il représente désormais une menace pour les compagnies développant des systèmes d'exploitation. Ce n'est donc pas une surprise si des mémos internes chez Microsoft font mention des mesures à prendre pour réduire l'impact des logiciels « open source », voir les éliminer (OPEN SOURCE, 1998).

[29] Finalement, bien que Linus Torvald ait participé activement au développement du noyau LINUX, le système actuel est l'oeuvre de milliers de personnes. GNU/Linux illustre le potentiel qui se trouve dans toute communauté. Comme Linux Torvald l'explique: « Everybody puts in efforts into making Linux better, and everybody gets everybody elses effort back. And that's what makes Linux so good: you put in something, and that effort multiplies » (FIRST MONDAY, 1998).

[30] Cette méthode s'est révélée efficace pour GNU/Linux, pour bon nombre de logiciels libres ainsi que pour le développement du réseau Internet. Aussi, compte tenu du caractère général des principes qui sous-tendent cette façon de faire, il nous semble évident que celle-ci peut s'appliquer à d'autres champs d'activité. C'est pourquoi, dans la prochaine partie de ce travail, nous analyserons l'application du modèle « open source » à l'élaboration du raisonnement juridique.

« Open Law » : Quand le juriste s'en mêle

Sortir le juriste de l'isolement

[31] La méthode utilisée par les juristes pour développer leurs argumentations n'a guère changée au fil du temps. En fait le juriste travaille presque toujours seul. Parfois une petite équipe est constituée lorsque le problème soumis représente une trop grande charge de travail. Mais, dans un cas comme dans l'autre, l'élaboration de l'argumentation juridique est un processus fermé.

[32] Cette façon de faire était probablement la seule envisageable jusqu'à récemment. Mais avec l'explosion de l'utilisation du réseau Internet et l'amélioration des moyens de communication, une nouvelle voie s'ouvre aux juristes. Celle-ci consiste à emprunter ce qui fait la force des modèles du logiciel libre et de l' « open source » : l'utilisation de la communauté.

[33] Cette idée a pris le nom d'« open law ». Le professeur Lawrence Lessig est l'instigateur de ce mouvement qui a vu le jour au printemps 1999. Pour lui, « Openlaw is an experiment in crafting legal argument in an open forum » (OPEN LAW, 1999). Son hypothèse est que, dans certains cas, il est possible d'utiliser la technique du développement « open source » afin de développer une argumentation légale. Concrètement, cela signifie que le juriste expose son problème au public par le biais d'Internet. Par la suite, toute personne intéressée, peut donner son opinion sur la question, apporter des arguments ou réagir par rapport aux arguments d'un autre participant. L'objectif est qu'à la toute fin, lors du développement de son argumentation, le juriste disposera de plus nombreux et de meilleurs arguments que s'il avait travaillé seul sur la question.

[34] Selon Lawrence Lessig, cette méthode permet au juriste d'utiliser au maximum les ressources d'Internet. De ce point de vue, la principale ressource du réseau constitue ses millions d'utilisateurs. Ces utilisateurs représentent une source d'information inépuisable dont le juriste doit savoir tirer profit.

La balance des probabilités

[35] Bien qu'à première vue le modèle « open law » semble offrir une alternative prometteuse aux juristes, celui-ci possède également certaines faiblesses. Aussi, afin de déterminer le potentiel de l'« open law », il est essentiel de confronter ses avantages et ses inconvénients. De plus, il est important de bien définir les limites de ce nouveau concept, car il est évident que plusieurs problématiques juridiques ne pourront jamais bénéficier du travail communautaire.

[36] Lawrence Lessig reconnaît lui même l'une des faiblesses de son modèle: en rendant public le processus de son raisonnement juridique, le juriste perd tout effet de surprise devant le tribunal. En effet, puisque toute personne peut avoir accès à ce raisonnement, il est inévitable que la partie adverse en prendra connaissance pour ensuite adapter son propre raisonnement en fonction de celui-ci. Dans ces circonstances, le modèle « open law » ne devrait pas être utilisé lorsque la surprise peut constituer un atout pour le juriste. Mais cette limite ne devrait pas constituer un obstacle majeur à l'utilisation du concept d'« open law » puisqu'au moment du procès, les parties sont généralement au courant de la stratégie de l'adversaire.

[37] Un autre obstacle majeur à l'utilisation de l'« open law » pourrait être la division étatique des juridictions. En effet, si une problématique est spécifique à une juridiction, seuls les internautes de cette juridiction seront intéressés à participer, ou auront les compétences nécessaires pour le faire. La communauté des internautes se retrouve donc divisée, contrairement à ce qui se passe dans le milieu du développement « open source ». Par contre, cela ne devrait pas être un problème pour les juridictions où l'utilisation d'Internet est répandue au sein du milieu juridique. De plus, notons que certaines questions touchent toutes les juridictions par leur universalité. C'est, entre autres, le cas des libertés fondamentales. Enfin, certaines questions concernant Internet sont de nature à intéresser tout ceux qui y participent, peu importe leur juridiction.

[38] Certains prétendent aussi que le modèle « open law » ne peut fonctionner parce qu'il n'existe aucune récompense qui pousserait les juristes à participer. À ce propos, il convient de rappeler que les programmeurs participent au développement « open source » afin d'obtenir un certain degré de prestige à l'intérieur de leur communauté. Le même raisonnement peut être aisément appliqué au mouvement « open law ». De plus, dans certaines circonstances, des tiers pourraient être intéressés à la problématique soumise et ainsi avoir un intérêt à faire valoir dans le processus argumentatif.

[39] Une autre argument possible à l'encontre du modèle « open law » est, qu'en droit, il existe une trop grande diversité d'opinions par rapport à ce que l'on retrouve dans le milieu du développement  « open source ». Concrètement, cela signifie qu'il serait impossible d'utiliser les méthodes de du logiciel libre et de l'« open source » en droit parce qu'il n'y a pas de réponse techniquement correcte. Cet argument ne nous semble pas bien fondé puisqu'il appartiendra toujours à l'instigateur du projet « open law » de choisir la meilleure solution parmi celles qui lui sont proposées. Ainsi, même s'il n'existe pas de « bonne » solution, le juriste aura eu l'avantage de choisir parmi un plus vaste éventail de possibilités que s'il avait raisonné seul.

[40] Malgré tout, il nous semble que le modèle « open law » ne pourra pas être utilisé lorsque le litige concerne des problèmes courants où les questions juridiques sont limitées. En effet, dans cette situation, la problématique risque de ne pas intéresser la communauté qui restera alors muette. De plus, il est parfois impossible pour le juriste d'exposer publiquement les faits d'un litige. Dans ce cas, l' « open law » n'est d'aucune utilité.

[41] Par contre, l'élaboration d'un raisonnement juridique par le biais de l'« open law » semble convenir à plusieurs autres situations. C'est, entre autres, le cas des questions constitutionnelles et des autres problèmes d'importance nationale. Dans ces circonstances, il est fort probable que la communauté juridique participe activement dans le processus puisque cela implique des questions qui touchent chacun de ses membres. De la même façon, les cas posant des problèmes de droit complexes mobiliseraient assurément les juristes possédant une expertise en la matière.

[42] Il convient également de noter que la méthode mis de l'avant par Lawrence Lessig permet d'améliorer grandement les capacités de recherche juridique du juriste. En effet, l'« open law » permet de distribuer les tâches de recherche sur un plus grand nombre d'individus. Cette répartition se fait automatiquement car, pour appuyer leurs arguments, les participants fourniront nécessairement la source de leur information. Dans le même ordre d'idées, la recherche de faits particuliers peut s'avérer facilitée grâce à l'utilisation d'« open law ».

[43] Enfin, la crainte d'éventuels problèmes déontologiques pourrait bien constituer le principal obstacle à l'essor du mouvement « open law ». Cette crainte semble se manifester sous deux angles différents. Premièrement, il est évident que les juristes n'accepteront pas de participer au développement d'arguments légaux sur Internet jusqu'à ce qu'il soit établi qu'ils n'engagent pas leur responsabilité professionnelle. Il serait donc important de préciser que seul l'instigateur du projet « open law » engage sa responsabilité vis-à-vis de son client. Cette solution ne devrait pas poser de problème d'application puisque l'instigateur du projet est celui qui prend les décisions définitives. En effet, rien ne l'empêche d'ignorer complètement les arguments issus du processus « open law » s'il le juge nécessaire. Deuxièmement, les juristes n'utiliseront pas la méthode « open law » si le fait d'agir ainsi est considéré comme une faute professionnelle. Il est permis de se demander si le fait de divulguer de l'information stratégique concernant un dossier constitue une telle faute. Il apparaît donc important de clarifier le cadre juridique du modèle « open law ».

[44] Le modèle « open law » mis de l'avant par Lawrence Lessig nous apparaît donc prometteur. Dans plusieurs circonstances, celui-ci permettrait au juriste d'obtenir une aide précieuse de la part de la communauté. Malgré tout, ce modèle possède ses limites et un certain nombre de litiges devront toujours être pris en charge de la manière traditionnelle. De plus, pour que l'utilisation du modèle « open law » se répande, il sera nécessaire de clarifier son cadre juridique.

La première tentative: Eldred v. Reno

[45] Comme l'idée de Lawrence Lessig n'a été lancée qu'au printemps 1999, elle n'a pas encore été l'objet d'applications pratiques de la part de la communauté juridique. Par contre, le modèle « open law » est actuellement à l'essai. Grâce à l'aide du  Berkman Center for Internet and Society (BCIS, 1999), l'affaire Eldred v. Reno constitue le premier passage de la théorie à la pratique.

[46] Ce litige concerne la constitutionnalité du Sonny Bono Copyright Term Extension Act vis à vis de la constitution américaine. Cette loi récemment votée par le Congrès américain prolonge de vingt ans le délais de protection des droits d'auteur. Ce nouveau délai s'applique autant aux auteurs individuels que corporatifs.  La constitutionnalité de la loi est contestée par Eric Eldred, propriétaire d'Eldritch Press (ELDRITCH, 1998), une maison d'édition en ligne qui se spécialise dans les livres anciens et rares.

[47] Afin de faciliter l'échange d'information entre les participants du projet, l'utilisation d'un forum accessible depuis le Web a été retenue. Bien que cette technique ait l'avantage d'être accessible à tous, elle ne nous semble pas être adéquate dans les circonstances. Premièrement, elle oblige les participants à retourner consulter le site du forum à de multiples reprises afin de suivre le débat. À ce niveau, une liste de diffusion associée à un système adéquat d'archivage nous apparaît beaucoup plus adaptée au processus argumentatif que le mécanisme veut privilégier. Deuxièmement, l'utilisation du forum Web est lourde et lente. En effet, celle-ci requiert des informations personnelles de la part des participants qui doivent obtenir un mot de passe, s'identifier à chaque visite et remplir un formulaire chaque fois qu'ils désirent écrire un message. Ces étapes n'ont aucune utilité et ont comme seul résultat possible la réduction du nombre de participants. Encore une fois, l'utilisation d'une liste de diffusion réglerait ces problèmes. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les mouvements du logiciel libre et de l' « open source » utilise énormément les listes de diffusion et les groupes de nouvelles.

[48] Pour ce qui est du choix de l'affaire, il nous semble convenir parfaitement au modèle « open law ». D'abord, le fait qu'il s'agisse d'une question d'importance nationale (constitutionnalité) risque d'intéresser plusieurs juristes au sujet. Ensuite, puisque le problème concerne un sujet qui touche de très près les internautes, il y a de bonnes chances pour que ceux-ci participent activement dans le processus.

[49] Enfin, bien que le test d'Eldred v. Reno ne soit pas encore terminé, nous nous permettons d'affirmer que celui-ci sera un succès. À l'heure actuelle, 17 personnes ont participées à l'élaboration du raisonnement juridique qui soutiendra la cause d'Eric Eldritch. Ces personnes ont écrites 53 interventions, parfois très élaborées, sous quatre thèmes principaux. Ces interventions fourniront certainement de multiples arguments à Lawrence Lessig lorsqu'il adoptera sa stratégie afin de se présenter devant un juge.

Conclusion

[50] Par le biais du modèle « open law », les valeurs mises de l'avant par le logiciel libre et l' « open source » sont donc en train de s'introduire dans le milieu juridique. Et cette évolution inattendue n'est pas spécifique au droit. En effet, à l'heure actuelle, le modèle développé par les programmeurs d'Internet s'immisce dans plusieurs autres domaines d'activité. C'est, entre autres, le cas en matière de production de contenu. Ainsi, le mouvement « open content » (OPEN CONTENT, 1999) privilégie une adaptation du concept aux droits d'auteur.  De cette façon, les auteurs peuvent voir leurs oeuvres évoluer entre les mains d'autres personnes, sans pour autant placer celles-ci dans le domaine public.

[51] Cela confirme que l'idée du logiciel libre de Richard Stallman a pris des proportions étonnantes au cours des dernières années. Pourtant, comme nous l'avons vu plus tôt, celui-ci ne date pas d'hier. L'idéologie des « free softwares », dont l'« open source » est directement tiré, remonte à 1971. Comment expliquer que le mouvement soit resté dans l'ombre pendant toutes ces années pour soudainement bénéficier de la popularité qu'il possède aujourd'hui?

[52] Une partie de la réponse réside probablement dans le succès qu'a connu le système d'exploitation GNU/Linux au cours des dernières années. Par ce succès, Linus Torvald a démontré au reste de la planète que le modèle du logiciel libre est viable et qu'il possède de nombreux avantages par rapport au modèle traditionnel du développement de logiciel. GNU/Linux nous prouve que l'effort combiné de milliers d'individus, lorsqu'il est adéquatement géré, peut produire un résultat supérieur plus rapidement que l'effort de n'importe quelle entreprise individuelle.

[53] Et c'est ce que le modèle « open law », développé par Lawrence Lessig, tente d'appliquer à l'élaboration du raisonnement juridique. Selon nous l'idée est vouée à un avenir prometteur. Bien que certaines problématiques ne puissent bénéficier de l'aide de la communauté, de façon générale, la méthode proposée par le modèle « open law » convient parfaitement au processus argumentatif qui prévaut en droit. D'ailleurs, les résultats préliminaires que l'on peut tirer de la première application pratique du modèle « open law » semblent aller dans la même direction.

[54] Tout ceci nous amène à conclure que les mouvements communautaires prennent de plus en plus de place sur Internet. Ceux-ci, avec le logiciel libre et l' « open source » en tête, font revivre des valeurs qui nous semblaient pratiquement disparues jusqu'à récemment, telles l'entraide et le travail communautaire. Comme certains le font remarquer, « all users of the Net enthusiastically participate in this left-wing revival » (BARBROOK, 1999). Internet, cette technologie issue du capitalisme, voit donc ses utilisateurs se diriger de plus en plus vers un cyber-communisme. Il sera intéressant, au cours des années qui viennent, de constater jusqu'où ce mouvement nous conduira.

Bibliographie

[BARBROOK, 1999] BARBROOK, Richard, 'CYBER-COMMUNISM: how the Americans are superseding capitalism in Cyberspace', Nettime, 1999, Source: <http://www.nettime.org/nettime.w3archive/199909/msg00046.html

[BCIS, 1999] BERKMAN CENTER FOR INTERNET AND SOCIETY, Source: <http://cyber.law.harvard.edu/

[BEZROUKOV, 1999] BEZROUKOV, Nicolai, 'Open Source Software Development as a Special Type of Academic Research (Critique of Vulgar Raymondism)', First Monday, 1999, Source: <http://www.firstmonday.dk/issues/issue4_10/bezroukov/index.html

[BOLLIER, 1999] BOLLIER, David, 'The Power of Openess', 1999, Source: <http://opencode.org/h2o/

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