Présidentielle 2012 et Logiciel Libre : des réponses, des non-réponses, pas de réponse...

Paris le 20 avril 2012 09 h 00. Communiqué de presse.

Mis à jour le 20 avril 2012 à 14 h 00.

À 48 heures du premier tour de l'élection présidentielle, l'April remercie les candidats qui ont répondu à son questionnaire Candidats.fr. Elle se félicite de la continuation de son initiative, qui montre clairement son intérêt au vu des réponses reçues. Si elle se réjouit des réponses qui traitent en profondeur des enjeux du logiciels libre et sujets afférents, elle s'inquiète que certaines réponses soient problématiques pour le logiciel libre. Les brevets logiciels, les DRM et DADVSI semblent en effet s'être invités dans cette campagne pour tenter de gagner une légitimité.

Actuellement, Nicolas Dupont-Aignan, le Front de Gauche pour Jean-Luc Mélenchon, Eva Joly et François Bayrou ont répondu1. Fleur Pellerin, chargée de l'économie numérique dans l'équipe de François Hollande, nous a également transmis ses réponses. L'April attend encore notamment les réponses de Nicolas Sarkozy et de Marine le Pen, d'autant que le président sortant et Jean-Marie le Pen avaient répondu en 2007.

De nombreuses réponses sont détaillées et intéressantes, nous vous incitons donc à en prendre connaissance. En revanche, l'April souhaite mettre l'accent sur les problèmes soulevés par deux des réponses reçues et l'absence de réponse de Nicolas Sarkozy.

François Bayrou annonce dans sa réponse de 2012 que « la question de la brevetabilité du logiciel libre doit être abordée au niveau européen et mondial », alors qu'il indiquait en 2007 que les brevets logiciels pouvaient représenter un danger pour le logiciel libre. De même, il considère que « les mesures de protection que sont les Digital Rights Management sont utiles, voire nécessaires, à la préservation de la propriété intellectuelle », alors qu'en 20072, il annonçait que « l'objectif des mesures techniques est de prévenir certains usages des oeuvres. Cela ne saurait impliquer une forme de propriété intellectuelle sui generis des mesures techniques, qui reviendrait à leur donner la puissance anti-concurrentielle du brevet sans aucune des limitations et obligations qui y sont usuellement attachées. Tout frein à l'interopérabilité dans ce domaine est au détriment du public et des créateurs culturels. ». La réponse en 2012 semble donc moins développée, et la réflexion en retrait manifeste de ce qu’elle était en 2007.

Du côté du candidat socialiste, l'April regrette que François Hollande n'ait pas pris la peine de répondre lui-même. Les réponses envoyées n'engagent donc que Fleur Pellerin, chargée de l'économie numérique. Si ses positions sur le brevet logiciels sont positives, d'autres sont plus préoccupantes et présentent une régression profonde par rapport à 2007.

Elle refuse en effet de se prononcer sur l'ensemble des questions qui concernent le droit d'auteur : à 12 questions précises sur le sujet (sur DADVSI, ACTA, SOPA, PIPA, les DRM…) dont la plupart avait déjà été posées en 2007, elle se contente d'une réponse vague, sans prise de position3 là où Ségolène Royal en 2007 s'était engagée, dans une réponse bien plus détaillée et argumentée, à abroger le titre Ier de la loi DADVSI4.

Cette absence de prise de position, dans un document qui n'engage même pas le candidat, est une constance dans le texte, qui continue d'être préoccupant. D’autant que, depuis 2007, les questions liées aux restrictions de libertés dans l'ère numérique n’ont fait que s’intensifier. Sur d’autres sujets, les réponses de Fleur Pellerin sont tout aussi vagues : ainsi, sur la vente liée ordinateur/logiciels, la chargée de l'économie numérique du candidat considère que « la question de la vente liée évolue en droit de la consommation et en droit de la concurrence. Évitons tout dogmatisme en la matière ». Aucune action concrète n'est envisagée pour permettre aux consommateurs de faire valoir leurs droits.

« Je ne veux pas considérer cela comme étant réellement la réponse de François Hollande : elle ne vient pas du candidat, ne l'engage pas et ne fait aucune proposition concrète » déclare Lionel Allorge, président de l'April. « Afin que le logiciel libre ait enfin sa place dans la campagne, j'invite François Hollande à répondre au courrier que je lui ai envoyé ainsi qu'à ma lettre ouverte5 ».

Si cette non-réponse n'est pas engageante, le silence d'un autre candidat est quant à lui bien éloquent : l'absence de réponse de Nicolas Sarkozy qui, comme en 2007, n'a toujours pas communiqué sa position6 à J-2 du premier tour, fait craindre que le président-candidat n'ait pas évolué depuis cette période. En d'autres termes, et en l'absence de nouvelle réponse, l'April regrette que son projet soit toujours basé sur les brevets logiciels et un « internet chinois »7, tourné vers le filtrage et la répression, sacralisant un grave déséquilibre entre monopoles privés et libertés publiques. Guillaume Lambert, directeur de campagne de Nicolas Sarkozy, a communiqué à l'April le 20 avril 2012 à 12h30 ses réponses à notre questionnaire. Ces réponses ne font que confirmer les propos de notre communiqué.

Le questionnaire de l'April est disponible sur le site Candidats.fr ainsi que les réponses reçues.

A propos de Candidats.fr

L'April avait lancé, lors des dernières élections présidentielles en 2007, l’initiative Candidats.fr afin de sensibiliser les futurs élus au logiciel libre et de connaître leurs positions sur les différentes questions qui en découlent (droit d'auteur, DRM, brevets logiciels, éducation, vente liée...). Lors de la présidentielle 2007, l'April avait soumis aux candidats un long questionnaire. Accepter d'y répondre leur permettait de présenter leur vision sur des sujets tels que la brevetabilité des logiciels, le droit d'auteur, l'informatique déloyale, l'interopérabilité... Huit des douze candidats avaient relevé le défi (François Bayrou, Olivier Besancenot, José Bové, Marie-George Buffet, Jean-Marie Le Pen, Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy et Dominique Voynet).

L'April a mis à jour de ce questionnaire en vue de la présidentielle 2012 (premier tour : 22 avril ; second tour : 6 mai). La version finale du questionnaire a été transmise aux candidats le 1er mars 2012

Pour les législatives 2012, qui auront lieu les 10 et 17 juin, l'initiative Candidats.fr prendra, comme pour les élections précédentes, la forme du Pacte du Logiciel Libre8. Le Pacte du Logiciel Libre est un document simple, dont la signature permet aux électeurs de savoir quel candidat dans sa circonscription a perçu les enjeux du logiciel libre, et s'est engagé en conscience à promouvoir et défendre les libertés qui y sont associées. Les citoyens seront invités à contacter les candidats pour les sensibiliser et les inviter à signer le Pacte.

A propos de l'April

Pionnière du logiciel libre en France, l'April est depuis 1996 un acteur majeur de la démocratisation et de la diffusion du Logiciel Libre et des standards ouverts auprès du grand public, des professionnels et des institutions dans l'espace francophone. Elle veille aussi, dans l'ère numérique, à sensibiliser l'opinion sur les dangers d'une appropriation exclusive de l'information et du savoir par des intérêts privés.

L'association est constituée de plus de 5 500 membres utilisateurs et producteurs de logiciels libres.

Pour plus d'informations, vous pouvez vous rendre sur le site Web à l'adresse suivante : http://www.april.org/, nous contacter par téléphone au +33 1 78 76 92 80 ou par notre formulaire de contact.

Contacts presse :

Frédéric Couchet, délégué général, fcouchet@april.org +33 6 60 68 89 31
Jeanne Tadeusz, responsable affaires publiques, jtadeusz@april.org +33 1 78 76 92 82

  • 1.

    Les réponses reçues sont regroupées sur une page unique

  • 2.

    La réponse 2007 de François Bayrou est disponible en ligne

  • 3. Réponse de Fleur Pellerin sur les 12 questions liées au droit d'auteur :« Après l’impasse répressive d’Hadopi, François Hollande a affirmé sa volonté de développer l’offre culturelle en ligne dans le respect de la création. La méthode retenue est celle d’une large concertation qui débouchera sur une loi qui remplacera la loi Hadopi pour mettre en place un véritable "acte II" de l’exception culturelle. La question des DRM sera examinée dans ce cadre. Ce que je constate, c’est que l’industrie du disque a, pour une large part, renoncé aux mesures techniques de protection. Il faudra donc se poser la question du maintien du cadre réglementaire actuellement en vigueur. »
  • 4.

    Les réponses de Ségolène Royal en 2007 sont disponibles en ligne

  • 5.

    Lire la lettre ouverte de Lionel Allorge Mesdames, messieurs les candidats à la présidentielle, le logiciel libre est un enjeu de société publiée dans Mediapart le 6 avril 2012

  • 6.

    L'équipe de campagne de Nicolas Sarkozy nous indique depuis 3 jours que nous devrions recevoir la réponse bientôt

  • 7.

    Voir aussi la réponse de Nicolas Sarkozy au Conseil National du Logiciel Libre

  • 8. L'April a proposé cette action à l'occasion des élections législatives 2007, municipales et cantonales 2008, européennes 2009, régionales 2010, cantonales 2011 en France et des élections pour le gouvernement fédéral en Belgique