Open Bar Microsoft/Défense renouvelé jusqu'en 2017 : à quand des changements ?

Paris, le 22 janvier 2014. Communiqué de presse.

Fin décembre 2013, le ministère de la Défense a donné suite à notre demande de communication de documents administratifs sur le contrat « Open Bar » passé avec Microsoft.

Nous avons donc reçu le nouveau contrat pour la période 2013-2017, ainsi que l'acte d'engagement du marché subséquent et la note du secrétariat général pour l'administration portant sur le renouvellement de l'accord-cadre.

Ces documents confirment que le contrat « Open Bar » a bien été renouvelé en 2013 et, malgré un caviardage important, donnent quelques éléments sur la taille du contrat, ainsi que sur la dépendance toujours plus grande du ministère de la Défense à Microsoft. Malgré les changements à la tête de l'État et dans les administrations depuis 2012, la politique de partenariat privilégié avec Microsoft se poursuit.

Le dossier Open Bar, un accord-cadre sans publicité ni mise en concurrence

Pour rappel, l'accord-cadre dit « Open Bar » Microsoft/Défense, passé en 2009 sans appel d'offres ni mise en concurrence, permettait au ministère de la Défense, pendant toute la durée du marché (4 ans), un droit d’usage d’un certain nombre de produits Microsoft et de services associés. Il avait été signé malgré de nombreux avis défavorables, au prix de nombreux abandons des principes relatifs aux achats publics et dans le plus grand secret.

Nous avons travaillé, tout au long de 2013, à faire la lumière sur ce dossier. Ainsi, en octobre 2013, nous avons publié un article, basé sur trois documents reçus de de la part du ministère de la Défense, qui montre que le choix d'un contrat « Open Bar » en 2009 faisait bien suite à une décision politique visiblement prise en amont des études sur la faisabilité et les risques.

Fin 2013, nous avons fait une nouvelle demande de communication de documents administratifs portant sur le renouvellement du contrat en 2013.

De nouveaux documents qui interrogent sur le renouvellement toujours aussi opaque d'un contrat dangereux

L'accord-cadre en lui-même nous donne déjà une première information cruciale : le contrat a bien été renouvelé pour la période 2013-2017, et sous une forme juridique semblable, et toujours avec Microsoft Irlande. Si on ne connait pas les montants exacts du contrat, puisqu'ils ont été noircis, celui-ci porte sur au moins 200 000 postes1. Et on sait donc désormais que, malgré les critiques pour cette forme juridique2, c'est toujours un contrat « Open Bar » qui a été signé.

De plus, et comme pour le contrat précédent, des services autres que le ministère de la Défense peuvent également utiliser ce contrat en signant simplement un marché subséquent. Il semble que pour 2013-2017, quatre autres services (dont les noms ont été malheureusement occultés) se soient montrés intéressés.

La note juridique issue de la direction des affaires financières du ministère de la Défense, et datée du 25 juillet 2012, nous apprend que la décision de signer un nouveau contrat pour 4 ans a été prise au niveau ministériel :

« Le choix de Microsoft pourrait avoir une dimension médiatique compte tenu des récents articles parus sur cette société. Cela plaide pour une position unifiée du ministère et une décision prise au niveau du Ministre. »

Le document parle également de « l'option retenue par le ministère de ne pas recourir aux logiciels libres », tout en présentant des arguments fallacieux :

« Selon un tableau de synthèse présenté par la DIRISI3 au comité des achats, l'utilisation de logiciels libre serait d'un coût de revient proche de l'utilisation de licences Microsoft. En effet, s'il n'existe pas d'achat de licence au démarrage, les mises à jour ne sont en revanche pas gratuites. D'autres frais sont aussi à prendre en compte comme la formation de personnels de soutien, les logiciels libres nécessitant une plus grande implication des utilisateurs. D'autres matériels doivent aussi être achetés afin de pouvoir permettre l'utilisation de ces logiciels. »

« Un tel rassemblement de contrevérités, sans argument crédible, laisse sans voix», déclare Jeanne Tadeusz, responsable des affaires publiques de l'April. « Faut-il encore rappeler que le logiciel libre présente des avantages pour la pérennité du matériel, que les mises à jour sont tout aussi libres que les logiciels et que le libre ne nécessite pas forcément d'implication particulière de ses utilisateurs ? »

L'absence de toute explication

Enfin, cette décision politique n'a pas laissé de place à un débat et à limité la contradiction : dès juillet 2012, la note de la direction des affaires financières indique ainsi que « le passage en CMI [comité ministériel d'investissement4] serait l'occasion de confirmer la pertinence de l'option retenue par le ministère de ne pas recourir aux logiciels libres ». Les conclusions de la CMI, avant même qu'elle ait été saisie, semblent déjà entendues.

« Pas un mot des problématiques de surveillances ou des portes dérobées présentes dans les logiciels privateurs, alors que cela représente un danger immédiat pour la sécurité nationale » ajoute Frédéric Couchet, délégué général de l'April. « Au contraire, on voit dans ce dossier la volonté de suivre aveuglément un choix pourtant dangereux pour la sécurité nationale et l'indépendance technologique.»

Et ce n'est pas au forum international de la cybersécurité, qui se déroule les 21 et 22 janvier 2014 à Lille, que des réponses ont été apportées. Selon le quotidien l'Humanité, le contre-amiral Coustillière, officier général à la cyberdéfense, a évacué une fois de plus la question en disant que « le logiciel libre n'est pas la réponse aux problématiques de cyber sécurité ». Il n'a sans doute pas lu l'article de Médiapart du jeudi 12 décembre 2013, dans lequel un acteur du dossier témoignait :

« Je suis un militaire. Et je dois dire que je ne suis pas très fier de mon pays », poursuit-il. « J’aurais pu accepter beaucoup de choses, mais à partir du moment où on m’explique pourquoi. Là, nous n’avons jamais eu de réponse. La devise pour laquelle nous nous battons, et pour laquelle certains d’entre-nous ont versé leur sang, c’est « Liberté, égalité, fraternité ». Dans ce dossier, nous avons bradé notre liberté, nous avons trahi notre pays. Et encore aujourd’hui, je suis incapable de vous dire pourquoi… »

Une analyse plus détaillée des documents sera publiée prochainement, et l'April a relancé des demandes de documents administratifs inspirées de ces informations afin d'en savoir plus sur les modalités de renouvellement du contrat.

À propos de l'April

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Contacts presse :

Frédéric Couchet, délégué général, fcouchet@april.org +33 6 60 68 89 31
Jeanne Tadeusz, responsable affaires publiques, jtadeusz@april.org +33 1 78 76 92 82