Neutralité et libertés sur Internet - interview d'Adrienne Charmet par Hugo Margaron sur Game Hits - Actus - High Tech

Présentation

Titre : Neutralité et libertés sur Internet
Intervenant : Adrienne Charmet - Hugo Margaron
Date : Décembre 2014
Lieu : Game Hits - Actus - High Tech
Durée : 19 min 23
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Transcription

Hugo Margaron : Bonjour Adrienne Charmet.

Adrienne Charmet : Bonjour.

Hugo Margaron : Vous faites partie de la Quadrature du Net. Pour ceux qui ne vous connaissent pas encore, qu'est-ce que c'est la Quadrature du Net ?

Adrienne Charmet : La Quadrature du Net est une association citoyenne, de défense des libertés, qui s'attache spécifiquement à tout ce qui concerne Internet. Donc on s'occupe des libertés fondamentales, des droits de l’homme classiques et des libertés d'information, d’expression, de droit à la vie privée, etc, mais dans l'aspect numérique des choses.

Hugo Margaron : D'accord. Et alors vous existez depuis quand ?

Adrienne Charmet : La Quadrature du Net a été fondée en 2008, au moment des discussions législatives sur la loi Hadopi, donc sur les questions de répression du partage de la culture, et ça a été fondé par des gens qui étaient déjà bien impliqués dans les questions numériques, et puis, petit à petit, on s'est étendu à d'autres sujets, sur les données personnelles, la neutralité du Net, la censure, la surveillance, etc.

Hugo Margaron : D’accord, donc c'est Hadopi qui vous a vraiment donné le déclic de créer l'association. C'est ça ?

Adrienne Charmet : Voilà. Oui. De créer au départ juste un collectif, une association de fait, et puis la Quadrature est devenue une association légalement déclarée il y a deux ans.

Hugo Margaron : D'accord. Quels sont vos combats ?

Adrienne Charmet : De manière générale, nos combats sont la défense des droits fondamentaux des citoyens et ça va prendre plusieurs formes. Il y a toutes les questions de droits d'auteur, qui sont liées à Hadopi mais pas que, puisqu'il y a aussi toutes les réglementations européennes, donc on soutient a minima, une légalisation du partage non marchand de la culture, des biens culturels. Donc ça c'est un des premiers volets. Ensuite on s'occupe de tout ce qui concerne les questions de neutralité du Net, donc d'accès non faussé et neutre au réseau Internet. On s'occupe également de toutes les législations qui concernent la vie privée, les données personnelles, c'est ce qui est fait de ce que vous mettez en ligne et comment sont traitées les données personnelles par les grandes entreprises, les petites entreprises ou les États, dans un contexte international avec toutes les questions derrière de NSA, etc. On travaille aussi sur des questions de censure sur Internet, quelles législations sont proposées sur les questions de régulation du discours et donc de censure. On travaille également sur tout ce qui concerne les services en ligne, et puis, pas mal aussi, sur les traités internationaux, les traités de commerce internationaux, comme ACTA, qui a été abandonné il y a deux ans, ou comme TAFTA qui est en cours de négociation, et qui comportent souvent des clauses qui concernent, que ce soit le droit d'auteur, la neutralité du Net, les données personnelles, etc, mais qui sont des accords qui ont des points qui nous concernent.

Hugo Margaron : Oui, donc les enjeux sont toujours en cours, c'est ça ?

Adrienne Charmet : Voilà. Exactement.

Hugo Margaron : Vous faites actuellement une campagne de dons. Vous récoltez des dons et ça sert à quoi ? A quoi servent les dons ?

Adrienne Charmet : Les dons c'est simplement notre source de financement essentielle. C'est-à-dire que pour garder une certaine indépendance, voire une indépendance complète, à la Quadrature on ne demande pas de subventions publiques, on ne récupère pas de fonds de réserve parlementaire comme c'est parfois le cas pour d'autres associations. On n'a pas du tout de financements publics. On va baser notre financement essentiellement sur les dons des internautes. On a quelques fondations aussi qui nous financent, mais c'est majoritairement les dons des internautes qui nous permettent de payer le local dans lequel on travaille, la petite équipe salariée et puis le matériel de campagne. Ce qui est un des aspects principaux de la Quadrature du Net, c'est qu'on fait un travail de veille, d'analyse législative et d’influence auprès du monde politique, mais on va également créer des outils et utiliser ces outils avec les citoyens, pour former les citoyens et les inciter, les aider à s'impliquer eux-mêmes dans la vie publique. Le budget qu'on a, qui est un budget assez réduit à vrai dire, sert essentiellement à ça, donc à permettre à la petite équipe de permanents de vivre et puis à travailler sur nos outils campagne.

Hugo Margaron : Vous avez parlé de la neutralité du Net il y a un instant. On va y revenir plus longuement maintenant. Brièvement c'est quoi la neutralité du Net ? Parce que c’est toujours un terme un peu compliqué à aborder.

Adrienne Charmet : La neutralité du Net, en fait, ce n'est pas très compliqué. C'est le principe selon lequel les différents paquets de données qui transitent sur Internet, à chaque fois qu'on va appeler une page Internet, mettre une URL dans son navigateur Internet, on va aller chercher un paquet, un ou plusieurs, enfin des paquets de données, qui vont transiter sur le réseau Internet. La neutralité du Net c'est un principe fondamental du fonctionnement d'Internet, depuis le démarrage d'Internet, qui est qu'on ne traite pas différemment les paquets qui transitent sur le réseau. On ne va pas regarder dans les paquets de données ce que c'est, et on ne discrimine pas les paquets les uns par rapport aux autres.

Or, ce qui arrive depuis quelques années, c'est qu'on a des fournisseurs d'accès à Internet, des opérateurs, en Europe, aux États-Unis, etc, qui commencent à dire « oui, mais on transporte de plus en plus de données et des données de plus en plus lourdes ». Alors qu'est-ce que c'est que des données lourdes ? C'est, par exemple, tout ce qui est vidéo. On a besoin que ça transite vite pour que la vidéo ne saute pas tout le temps et que ça n'aille pas. Ces opérateurs disent « eh bien maintenant, nous on veut que, d'une manière ou d'une autre, ces contenus lourds soient plus rentables pour nous, soient plus intéressants pour nous. On dépense trop d'argent à les transporter donc il va falloir payer ». Et là on a plusieurs solutions pour faire payer ces données, pour discriminer ces données. Soit c'est l'internaute qui paye, je ne sais pas, faire monter l’abonnement. Soit c'est l'internaute qui se retrouve avec des offres Internet différenciées, par exemple un accès à Internet avec YouTube et Dailymotion serait plus cher qu'un accès à Internet sans YouTube et sans Dailymotion. Donc ça c'est une des premières voies, c'est de faire payer l'internaute. Et puis il y a une autre voie qui est de faire payer les gros services Web, les YouTube, les Google, les Amazon, etc, les Netflix et tout, en disant vous faites passer des contenus qui sont lourds donc vous allez payer.

Et pourquoi ça nous pose un problème ? Parce que le principe de base de l'Internet qui est tout le monde a accès de manière égalitaire au réseau, qui est un principe extrêmement important pour l'accès à l'information, qui fait en sorte qu'on n'a pas de goulets d'étranglement, on a le droit d'accéder à tout de la même façon ; et puis pour l'accès des gens à l’expression et l'accès des entreprises à l’innovation et à pouvoir créer des services sans avoir une barrière d'entrée trop lourde. Imaginons que je crée une start-up dont le business modèle c'est de faire transiter de la vidéo, si, immédiatement à partir du moment où c'est de la vidéo que je veux faire transiter, les opérateurs me disent « ah tu payes d'abord un forfait avant de pouvoir accéder au réseau », je ne vais pas pouvoir me développer en tant qu’entreprise. Et ça, ça casse très concrètement tous les principes fondateurs d'Internet et l'énorme espace de liberté, d'innovation, de création, d'information, d'expression, etc. Imaginons un Wikipédia, par exemple, qui est le cinquième plus gros site au monde, cinquième site le plus visité au monde, qui n'est pas une entreprise, il est financé par des dons, qui est une organisation sans but commercial, si Wikipédia devait payer pour pouvoir être accessible à tout le monde sur Internet, probablement, il ne s'en sortirait pas avec un modèle non commercial comme c’est le cas actuellement.

Hugo Margaron : Du coup, cette neutralité du Net est-ce qu'elle est réglementée par différentes lois, ou pas du tout ?

Adrienne Charmet : Pour l'instant elle n'est pas très définie parce que, justement, c’était un principe, enfin c'est toujours d'ailleurs un principe qui était un des principes de base du fonctionnement du réseau Internet, qui est un réseau complètement décentralisé, où les gens échangent des paquets de données les uns avec les autres, donc il n'y avait pas de définition stricte de la neutralité du Net. Et puis là, à la fois aux États-Unis et en Europe, on a des opérateurs qui ont des pratiques de plus en plus dangereuses pour la neutralité du Net, qui, concrètement, commencent à verrouiller des choses, à interdire certains services parce que ça leur ferait concurrence sur d'autres, à ralentir certains flux, à demander à faire pression sur des entreprises pour qu'elles payent pour avoir accès au réseau. Et donc on se retrouve avec, à la fois aux États-Unis et au niveau européen, des projets de règlements, de directives, de lois, enfin bon quelle que soit la forme législative que ça prenne, qui ont pour but de définir, en gros, ce qu'on va avoir le droit de faire ou de ne pas faire. Et donc concrètement en Europe, par exemple, c'est un gros règlement sur les Télécoms qui est en cours de négociation, et dedans, toute la question est de savoir, d'une part si on va définir ce qu'est la neutralité du net, et d'autre part quelle va être la définition qu'on va donner à cette neutralité du Net. Et là, il y a un grand jeu d’influence entre les lobbies des opérateurs, les grosses plates-formes genre Google, etc, qui ne veulent pas payer, les citoyens au milieu qui se retrouvent pris entre les deux feux, et nous, notre travail c'est de faire en sorte qu'il y ait une définition très stricte de la neutralité du Net et que les citoyens, les internautes, soient au maximum protégés dans cette histoire.

Hugo Margaron : Du coup, comment lutter et est-ce que c'est déjà un peu trop tard ? Si vous me le dites certains acteurs sont déjà rentrés dans cette violation de la neutralité du Net, en fait.

Adrienne Charmet : Non, ce n'est pas trop tard. En fait, pour l'instant, ils sont dans un cadre qui n'est pas légalement défini, donc ils font ce qu'ils veulent en l'absence de loi. Ils ont des pratiques commerciales, ils font ce qu'ils veulent, en profitant aussi du fait que les internautes et les consommateurs ne sont pas suffisamment informés sur tout ça. Il n'est pas trop tard. Après, c'est un peu difficile, c'est compliqué, parce qu'on a des procédures européennes assez lourdes et complexes, et où on a clairement un Parlement européen qui, l’année dernière, a commencé à voter des bons amendements, des bonnes définitions de la neutralité du Net, et puis, actuellement, où c'est en train de passer dans la procédure européenne au niveau des États membres, là, on a, à nouveau, des reculs et on sent le poids du lobbying des opérateurs qui ne lâchent pas l’affaire et qui, en plus, se servent d'arguments sur des questions fiscales, du fait que les grosses entreprises, ce qu'on appelle les GAFA, Google, Apple, Facebook, Amazon, ne payent pas suffisamment d’impôts en Europe. Donc, pour eux, ils essaient de faire jouer une espèce du chantage là-dessus, ou du chantage à l'investissement dans le très haut débit, en disant « si vous ne cédez pas à nos demandes sur la neutralité du Net, on n'investira pas dans le haut débit dans les territoires ». Donc ce n'est pas trop tard, en revanche c'est une bataille qui est vraiment compliquée.

Hugo Margaron : C'est une bataille médiatique en fait. C'est là où vous intervenez. C'est intervenir auprès des députés européens et faire avancer les choses. C'est ça ?

Adrienne Charmet : Oui. Alors, il n'y a pas que le médiatique, parce que, effectivement, pour nous, c'est important qu'on en parle médiatiquement, mais c'est important aussi que les députés européens, et la Commission européenne, et les gouvernements, comprennent les enjeux profonds qui sont derrière, qui ne sont pas simplement des enjeux d'argent mais aussi des enjeux de société, de qui a accès au réseau et de quelle manière. Et puis il y a aussi, derrière, des enjeux économiques où on a des opérateurs, par exemple, qui disent qu'ils ont besoin d'avoir une non neutralité du Net pour pouvoir sauvegarder leurs emplois, et en face, nous on défend le fait que la neutralité du Net est un facteur d'innovation et que ce facteur d’innovation va être créateur d'emplois et de richesses. Donc le débat se joue sur plusieurs points. Il se joue sur les questions de libertés fondamentales et aussi sur les questions économiques. Il y a vraiment les deux qui se passent et la question médiatique, où nous, en tant que petite association, et les autres associations qui sont en Europe, on se bat avec des petits lances-pierre, face à des mastodontes du lobbying qui dépensent des millions pour aller convaincre que leur opinion est la meilleure et qu'il ne faut surtout pas protéger les citoyens et l'innovation, et qu'il faut surtout les protéger eux, leur fonds de commerce. Et donc, on a besoin, pour ça, du terrain médiatique pour se faire entendre et pour que les citoyens aient conscience de ce qui se passe.

Hugo Margaron : On en parle beaucoup dans l'actualité, c'est le blocage de The Pirate Bay. Ça montre quoi ? Ça a été bloqué en France mais ça a été suivi, sans cause. Le raid de la police suédoise qui n'est pas une cause d'interdiction de la justice française. Ça montre quoi vis-à-vis de la justice sur le partage sur Internet ?

Adrienne Charmet : C'est un procès, c'est long les procédures judiciaires, c'est une affaire qui était en route depuis longtemps. Ça montre que les politisés actuels restent pour l'instant, puisque ???, c'est un monde où on est toujours sur un modèle de répression et que les questions du partage non commercial, par exemple, ne sont toujours pas acceptées. Le fait, par exemple, que ''The Pirate Bay'' ait été stoppé au niveau mondial et que, alors j'ai su ??? que ça n'avait quasiment pas accepté le principe peer to peer sur les jours qui ont suivi et que, on était déjà remonté de nouveau. C'est-à-dire que tout de suite il y a des miroirs qui se font, tout de suite il y a des façons de contournement. Ça montre bien que cette logique du tout répressif n'est absolument pas efficace, que le problème n'est réellement pas pris dans le bon sens, et qu'au lieu de courir comme un chat après une souris perpétuellement derrière ce type de partage, de problème, etc, il faudrait quand même que les gouvernements, les législateurs se posent réellement la question du traitement à faire du partage de la culture. Nous on prône la légalisation du partage non marchand. On n'est pas complètement naïf, on sait que des grosses plates-formes de peer to peer ce n'est pas la bonne solution non plus parce que c'est là où on a effectivement une exploitation commerciale pas toujours très morale parfois. De toute façon les solutions centralisées ne sont pas sécurisantes pour les internautes et que le décentralisé est forcément beaucoup mieux, donc le partage décentralisé. On sait que la répression sur le peer to peer a emmené les gens à faire du streaming et que le streaming c'est là où on a massivement d'une part la congestion des réseaux et d'autre part de l'exploitation, de la récupération de profits commerciaux, sans que les créateurs ne soient rémunérés. Très clairement, là, en continuant à avoir une logique de répression, en tapant avec un gros marteau sur un tout petit clou, le problème n'avance absolument pas, les créateurs ne reçoivent pas plus d'argent, les internautes ne changent pas leurs pratiques. Il suffit de remonter un site juste à côté de celui qui a été fermé pour recommencer de toute façon.

Hugo Margaron : Exactement. Au final, le raid de la police c'est vraiment la seule action qui marche, puisque vous nous le disiez c'est facile de contourner, il y a des miroirs qui se créent, donc l'action de la police c’est vraiment la seule action qui a fait changer quelque chose et qui fait que depuis The Pirate Bay est en partie pénalisé ?

Adrienne Charmet : Oui, mais enfin, en même temps, il y a eu des miroirs qui se sont montés tout de suite après. Non, ça n'a rien changé du tout. Même ça, ça n'a rien changé, quoi ! Ça n'a rien changé ! Le site n'a même pas été encore bloqué en France, il a été détruit, enfin détruit, mis hors ligne en Suède avant même que le jugement ne soit appliqué en France.

Hugo Margaron : Et alors dernière question pour finir, comment vous voyez le web dans dix ans ?Est-ce que le pire est à venir en fait, finalement ?

Adrienne Charmet : Ah,Ah ! Je ne sais pas. Soit je vous donne la vision de ce que j'aimerais avoir et dans ce cas-là on serait avec un web ouvert et un peu plus apaisé, où les échanges seraient valorisés et pas criminalisés, et où la vie privée serait respectée, etc, donc ça c'est le monde des Bisounours. En pratique c’est un peu moins rose. Ce qu'on voit actuellement c'est, et là je vais être un peu plus pessimiste, je vois deux choses. D'une part, une certaine convergence entre les différents problèmes. Par exemple, quand on parle surveillance de réseau, au départ la surveillance est justifiée par les États pour des questions de terrorisme, de sécurité nationale, etc. Et puis on voit les ayants droit des industries culturelles qui disent « ah mais si vous mettez ça en place des techniques de surveillance ou de blocage de sites Internet, si vous allez regarder ce que les internautes vont chercher sur Internet pour empêcher le terrorisme, pourquoi vous n'iriez pas le faire aussi pour réprimer le piratage ? ». Donc on se retrouve avec les mêmes techniques qui sont employables sur différents sujets.

De la même façon, pour la neutralité du Net, où toujours les industries de la culture voient d'un assez bon œil le fait de devoir inspecter les différents paquets de données parce que, de la même façon, on peut dire « si c'est du piratage on ralentit, si ce n'est pas du piratage on laisse passer !». Donc voilà, il y a une espèce de convergence des sujets qui se fait, et du coup, ça fait à la fois une certaine logique et en même temps ça veut dire qu'on est obligé de travailler sur plein de fronts différents et on a l'impression vraiment de travailler face à un mur. Et puis, d'autre part, la deuxième chose assez frappante, c'est le fait que les gens contre qui on se bat reviennent à la charge par tous les moyens, perpétuellement. Par exemple contre le traité ACTA, la Quadrature et plein d'autres assos et plein de mobilisations citoyennes ont réussi à faire tomber ACTA et paf, même pas un an après, dans le projet de traité TAFTA, on retrouve des bouts d'ACTA qui sont quasiment copiés collés. De la même façon on a aujourd'hui il y a un ''leak'' d'un autre traité de commerce qui est sorti sur Internet. On a commencé à regarder. Qu'est-ce qu'on voit dedans ? Des mesures contre la neutralité du Net. Comme quoi, en gros, si on n’arrive pas à faire passer ça au niveau européen, on va le faire passer dans des traités qui sont négociés en secret, des traités commerciaux qui sont négociés en secret. Donc en fait on se retrouve avec des sujets où les gens en face, enfin les lobbies en face, ne lâchent pas l'affaire et ils ont nettement plus de moyens que nous.

Donc dans dix ans comment je vois l’Internet ? J'espère qu'on va réussir à gagner, et à mon avis on ne gagnera que si les autres associations militantes sur d'autres sujets, ou des citoyens de manière globale, comprennent qu'il en va de leurs libertés et qu'il ne suffit pas qu'on dise au journal télévisé que c'est trop compliqué pour eux et qu'ils ne comprennent rien. Réellement ce sont des sujets qui les concernent, il faut qu'ils se mobilisent dessus et nous qu'on sache comment parler et être compris, être mobilisés. Et sinon, oui effectivement, on risque d'avoir énormément de mal à tenir le choc, d'où nos campagnes de dons où on est assez explicite en disant « si vous ne nous soutenez pas, on n'arrivera pas à continuer. »

Hugo Margaron : Merci beaucoup d'avoir été avec nous.

Adrienne Charmet : Je suis désolée, je termine de manière assez négative, mais on va y arriver.

Hugo Margaron : Ce n'est pas gagné, mais il y a de l'espoir encore.

Adrienne Charmet : Exactement.