Marché unique numérique européen : le rééquilibrage des droits d'auteur toujours pas envisagé

Le 20 avril 2015, Politico.eu a publié deux documents de travail de la Commission européenne sur le marché unique numérique (en anglais). Ces documents, qui ont fuité, permettent d'en savoir plus sur la stratégie à venir de la Commission concernant tous les sujets numériques. Révision de la directive IPRED, DRM et interopérabilité sont notamment au programme. L'April regrette que les propositions faites soient de nouveau largement insuffisantes pour réformer le droit d'auteur, à l'opposé du rapport Reda actuellement discuté au Parlement européen.

En plus de ce qui concerne le marché unique européen, ce document est particulièrement intéressant car il présente les grands objectifs de la Commission européenne pour tout ce qui touche au numérique. Au delà des questions de TVA et de l'évolution du e-commerce, une place est également donnée à la réforme de la directive IPRED qui est évoquée (pages 30 à 34), dans une perspective de lutte contre le "cybercrime", mais sans mention de la protection des droits des citoyens1.

De même, les évolutions concernant le droit d'auteur sont évoquées à plusieurs reprises. La Commission souhaite ainsi s'attacher à lutter contre le geoblocking (page 39 et suivantes), cette pratique qui consiste à empêcher les internautes d'accéder à des sites en fonction de leur localisation géographique. Le document traite également des exceptions au droit d'auteur, et mentionne la possibilité d'uniformisation de ces exceptions afin de clarifier le marché. Cependant, la Commission ne semble pas vraiment vouloir évoluer sur ces exceptions pour permettre un rééquilibrage du droit d'auteur : la Commission semble uniquement vouloir se concentrer sur la possibilité de développer l'exploration de données (data mining) pour l'éducation et la recherche.

Concernant la standardisation et l'interopérabilité, on peut regretter une définition de l'interopérabilité pour le moins vague et incomplète : « l'interopérabilité signifie l'interconnection entre des composants numériques comme des appareils, réseaux ou dépôts de données, dans un langage mutuellement compris »2. Rappelons que l'interopérabilité n'est pas une simple compatibilité. Il ne s'agit pas seulement de permettre à deux systèmes de communiquer entre eux, mais aussi de lire et de modifier les informations et contenus de manière fiable en garantissant que n'importe quel système présent ou futur puisse s'interconnecter. L'April regrette donc une définition insuffisante, qui vise à présenter comme interopérables des systèmes qui ne le sont pas.

Mentionnons enfin la possibilité évoquée de faire du « cadre européen d'interopérabilité, transposé dans des cadres nationaux, d'application obligatoire »3, sans que des garanties claires en termes de standards ouverts ne soient fournies par ailleurs. La deuxième version du cadre européen d'interopérabilité, adoptée en 2009, avait déjà fait polémique par la disparition d'une définition claire de ce qu'étaient les standards ouverts4.

Pourtant, le marché unique est du ressort du commissaire Ansip, qui avait affiché son soutien au logiciel libre lors de son audition devant le Parlement européen. Le document final de la Commission devant être publié le 6 mai 2015, l'April ne manquera pas d'exprimer ses inquiétudes au sujet de cette version de travail à la Commission européenne et entend suggérer des pistes d'amélioration, afin que les propositions permettent de rééquilibrer, enfin, le droit d'auteur.