François Bayrou parle des logiciels libres

François Bayrou

Titre : François Bayrou parle des logiciels libres
Intervenants : François Bayrou - David Abiker - Philippe Cohen
Lieu : France Info
Date : Février 2009
Durée : 5 min 51
Licence : Verbatim
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Présentation

François Bayrou évoque l'espoir que lui donnent Wikipédia et le logiciel libre dans l'émission de France Info "Parlons Net !" animée par David Abiker.

Transcription

François Bayrou : Je suis très intéressé par l'univers du logiciel libre. Pourquoi je suis intéressé par l'univers du logiciel libre et j'ai tenu à ce que tout se fasse en logiciels libres, en « open source », comme vous dites ?

David Abiker : C'est un mot que vous aimez bien. On sent que vous avez travaillé. Il a travaillé !

François Bayrou : Non ! Vous vous trompez complètement !

David Abiker : Il n'y a pas de honte à travailler.

François Bayrou : Ce n'est pas ça la question,

David Abiker : C'est-à-dire ?

François Bayrou : C'est un univers que je fréquente. Bon, j’arrive à comprendre comment il fonctionne, parce que c'est une des clefs, et je ne fais pas d’effet d'apparence. Pourquoi est-ce je suis intéressé par l'univers du logiciel libre ? Pourquoi je suis intéressé par l'univers wiki ? Parce que ce sont des modèles de société non-marchands. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas des gens qui, à partir de logiciels libres, ne font pas du marchand, ne créent pas des activités économiques, mais Wikipédia, pour prendre un exemple, c'est tout de même impressionnant qu'il y ait une encyclopédie de centaines de milliers de pages sur tous sujets, sans que personne n'ait été là pour des raisons marchandes.

Philippe Cohen : Vous allez vous fâcher avec beaucoup de professeurs agrégés en disant ça qui se méfient beaucoup de Wikipédia, je pense à M. Assouline par exemple.

François Bayrou : Excusez-moi, mais professeur agrégé, dans ma vie, vaguement ça m'est arrivé il y a très longtemps donc je l'ai oublié et je crois en connaître un certain nombre, y compris parmi mes enfants, donc je sais comment ils fonctionnent. Wikipédia, ça a des défauts, naturellement, on peut s'en méfier, naturellement, comme de tout, de la Britannica aussi on peut se méfier. Je peux citer des articles avec lesquels je suis en désaccord y compris dans les encyclopédies « papier », y compris dans l'Universalis je ne suis pas d'accord avec tout dans l'Universalis. Et dans Wiki, je ne suis pas d'accord avec tout non plus, je vois bien qu'on peut faire des manips. Mais pour l'essentiel ? Ne prenez pas le petit défaut ou la petite faille ! Prenez le fait massif ! Il y a là une encyclopédie, free, libre d'accès, à disposition de tout le monde, qui a été développée par des esprits généreux qui ont simplement voulu faire partager à d'autres ce qu'ils savaient. Vous ne trouvez pas que c'est intéressant ? Vous ne trouvez pas que c'est intéressant qu'on ait des logiciels, des systèmes d'exploitation qui soient constamment enrichis bénévolement, ou gratuitement.

Philippe Cohen : Donc le savoir peut venir du bas ?

François Bayrou : Et donc pour moi il y a là un projet de société qui est intéressant au moins à regarder et à réfléchir parce qu'il veut dire que la loi du profit ne commande pas tout. Qu'elle n'est pas totalement absente, on n'est pas naïfs, bien sûr que les raisons économiques sont à prendre en compte. Elles ne doivent pas prendre la place de toutes les autres raisons de vivre, raisons de chercher, raisons d’enseigner, raisons de transmettre, raisons de s’élever, raisons de créer, etc.

Philippe Cohen : Pourquoi vous faites l’apologie d'un univers dans lequel il y a une régulation au moins discutable, si vous voulez, alors que par ailleurs on a vu à quels excès ça pouvait conduire dans le reste de la société ?

François Bayrou : Ce n'est pas vrai ! Non. Mais je pense M. Cohen que vous avez un problème avec la modernité

Philippe Cohen : Pas du tout. La preuve je vous écoute.

François Bayrou : Alors je vous dis, il faut que vous vous détendiez. De toute façon, ça vient, la modernité. Et quant à Wikipédia c'est précisément, normalement, en tout cas dans ses principes, un univers régulé, parce qu'il y a des comités de lecture, il y a des gens qui donnent leur appréciation et vous avez des tas d'articles, je ne sais pas si vous fréquentez Wikipédia ?

Philippe Cohen : Beaucoup.

François Bayrou : Mais vous avez des tas d'articles où il y a une notation qui dit : « Le fait qui est avancé par l'auteur de l'article n'est pas assez prouvé », ou bien : « À cet endroit-là il manque des éléments d’information. » C'est un univers régulé.

Intervenant : Auto-régulé.

Philippe Cohen : Auto-régulé. Voilà. C'est le même principe.

David Abiker : L'année dernière il y a deux élus locaux de Montpellier qui se sont retrouvées pour l'une scientologue dans Wikipédia et pour l'autre ancien criminel sexuel. Faits divers électroniques, mais il y a Wikipédia.

François Bayrou : Il y a plein d'excès, si vous saviez ce qu'on écrit dans les tracts qu'on distribue dans les bagnoles ! On écrit des horreurs, bien sûr il y a plein d'excès, mais il y a la loi pour réprimer ça ! Si c'est malveillant, si c'est diffamatoire, il y a la loi, il n'y a qu'à faire respecter la loi ! Mais vous voyez, c'est important pour beaucoup de ceux qui vous écoutent, sur le Net en particulier, il y a là quelque chose qui donne de l'espoir dans la nature humaine. Alors comme tout, pas que de l’espoir, mais il y a là quelque chose qui permet d'avoir une autre vision de l'avenir de l'humanité que cet avenir écrasé, qu'on nous promet par ailleurs. Parce que ça va peut-être nous permettre de reboucler avec le début de cette émission,

David Abiker : Vous voulez nous proposer une conclusion là, en fait.

François Bayrou : Si vraiment, ce que je crains, on est en train, en France, de mettre en place un réseau d'influence et de pouvoir sur des secteurs entiers de la société, où est la capacité de résistance ? Si vous êtes un citoyen moyen, un jeune garçon, une jeune fille, qu'est-ce que vous pouvez faire ? Bon, vous défilez une fois et après il n'y a plus de défilé comme vous savez. Eh bien il y a là dans cette culture civique quelque chose qui donne de l’espoir, qui en tout cas, à moi, me donne de l'espoir.