Contactez ce mardi les sénateurs pour inscrire la priorité au logiciel libre dans le secteur public

Le projet de loi « pour une République numérique » est actuellement examiné au Sénat. L'April appelle à la mobilisation pour introduire la priorité à donner au logiciel libre dans le secteur public et pour préserver la communicabilité des codes sources. Plusieurs amendements ont été déposés sur ces sujets et seront soumis au vote de la commission des lois mercredi 6 avril 2016.

La commission des lois examinera mercredi 6 avril au matin les amendements déposés sur le texte. Il est crucial de contacter les sénateurs pour les sensibiliser aux enjeux du logiciel libre, de la communicabilité des codes sources et les encourager à voter en faveur des amendements COM-170, COM-174 et contre les amendements COM-160, COM-208 et COM-253.

Sur l'article 1er bis nouveau, au sujet de la communicabilité des codes sources

Mme la Sénatrice Corinne Bouchoux du groupe ECOLO propose un amendement COM-170 bienvenu visant à la suppression de l'exception disproportionnée stipulée à l'alinéa 2 de l'article. En revanche, MM. les Sénateurs Alain Kern et Louis Nègre ont été les malheureuses victimes des sirènes récurrentes du fantasme de la sécurité par l'obscurité et ont déposé des amendements de supression (amendement COM-160 et amendement COM-208) portant sur l'alinéa 1er de l'article qui reconnait la qualité de document administratif communicable aux codes sources. Reconnaissance qui est cohérente avec la position de la CADA et plus récemment de la jurisprudence administrative. L'April encourage donc à l'adoption de l'amendement COM-170 et au rejet des amendements COM-160 et COM-208.

Sur l'article 9 ter nouveau, au sujet de la priorité au logiciel libre

Mme la Sénatrice Bouchoux a également déposé un amendement COM-174 visant à inscrire la priorité au logiciel libre dans le secteur public. Ce sujet avait fait l'objet d'un intense débat de 45 minutes en séance publique à l'Assemblée nationale et le gouvernement se retranchait déjà derrière une prétendue incompatibilité juridique pour s'opposer à cette priorité.

De son côté, M. le Rapporteur Christophe-André Frassa a déposé un amendement COM-253 de suppression de l'article 9 ter dans son intégralité, lui reprochant son absence de portée normative. Et pourtant le rapporteur affirme partager « les préoccupations des auteurs de cette disposition en termes de maîtrise, voire de souveraineté, de leurs systèmes d’information par les administrations ». Nous l'invitons donc à soutenir l'amendement COM-174 qui répond à ces enjeux. L'April encourage donc à l'adoption de l'amendement COM-174 et au rejet de l'amendement COM-253. Ou à minima à l'adoption de l'amendement de repli COM-175 de la Sénatrice Bouchoux.

Sur la prétendue incompatibilité juridique d'une priorité au logiciel libre

Lors des débats à l'Assemblée nationale, le gouvernement s'était retranché derrière une prétendue incompatibilité juridique pour s'opposer à la priorité au logiciel libre. L'April a demandé à plusieurs reprise la publication de la « note juridique » de la Direction des affaires juridiques (DAJ) du Ministère des Finances et des comptes publics évoquée par les parlementaires.

Dans une interview donnée à Nextinpact Mme la Secrétaire d'État Axelle Lemaire indique «  Nous avons bien sûr eu des échanges techniques informels (notamment par mails) avec notre Direction des affaires juridiques, comme pour tous les articles du projet de loi, mais il n’existe pas de note à proprement parler. ». Pour éclairer les débats les arguments juridiques précis échangés devraient être rendus publics.

À la question du journaliste « Quels sont les arguments juridiques qui vous permettent d'arriver à la conclusion que les amendements « priorité aux logiciels libres » seraient contraires à la Constitution ou au droit européen ? » Mme Axelle Lemaire répond

« Ces arguments sont connus : c'est le fait que les principes généraux des marchés publics, que sont la liberté d'accès à la commande publique, l'égalité de traitement des candidats et la transparence des procédures, sont applicables lors de la passation de marchés publics en matière de logiciels. Le Conseil constitutionnel leur a reconnu une valeur constitutionnelle dans une décision rendue en 2003. Il est certes possible de favoriser un certain type de logiciel s'il répond à une certaine spécificité technique, mais il faut que cette spécification technique soit liée à l'objet du marché. Donc on voit bien qu'inscrire dans la loi un principe à caractère général, et donc forcément abstrait, visant à favoriser les logiciels libres – qui ne sont pas une caractéristique technique – par rapport à d'autres solutions, pourrait contrevenir à ces principes constitutionnels et sans doute aussi au droit européen, notamment au principe de libre circulation des services. »

La réponse de la ministre se fonde sur un syllogisme juridique : favoriser une spécification technique est possible dans des cas particuliers ; donner une priorité au logiciel libre revient à poser un principe de portée générale ; les logiciels libres ne sont pas une caractéristique technique ; il est donc impossible de généraliser une priorité au logiciel libre...

Si les prémisses de l'équation sont intelligibles la solution nous parait surprenante. En effet, donner la priorité au logiciel libre n'est pas favoriser des types de logiciels spécifiques, c'est poser des conditions de nature juridique concernant les droits que la personne publique pourra faire valoir. Pour une explication plus détaillée, lire notre argumentaire.

Comment agir ?

Il est possible d'agir en contactant aujourd'hui par courriel les sénateurs de la commission en lois voire en les appelant au téléphone.

Le site NosSénateurs.fr et celui du Sénat vous permettent de trouver les informations utiles (courriel, téléphone). Vous pouvez également appeler directement le standard du Sénat au 01 42 34 20 00 pour être mis en relation avec un sénateur.

Un appel téléphonique est beaucoup plus efficace qu'un courriel. Un coup de fil est plus personnel et beaucoup plus difficile à éviter. Une bonne technique consiste à envoyer un courriel, puis appeler quelques heures après pour s'assurer qu'il a bien été reçu, poser des questions à son sujet, demander les intentions du sénateur. Un courriel copié/collé à partir d'un modèle type a un impact négatif : cela affaiblit le contenu et le fait ressembler à du spam. Il vaut toujours mieux envoyer des courriels personnalisés. Nul besoin d'être un spécialiste du droit ou des questions techniques pour que votre message soit pertinent. Il s'agit surtout de convaincre par une mobilisation citoyenne.

Si vous avez des questions ou si vous souhaitez nous remonter les réactions des sénateurs, vous pouvez nous contacter par courriel (contact@april.org) ou sur le canal de discussion #april sur irc.freenode.net pour des échanges instantanés (accès via un webchat).

Un pad dédié est également à disposition

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