Vente liée PC Windows, première audience au TGI de Paris : UFC Que Choisir contre Darty
Paris, le 06 mai 2008. Communiqué de presse.
Ironie du calendrier, au moment où se tenait l'audience du TGI de Paris sur la première des trois plaintes déposées par L'UFC-Que Choisir contre la pratique de la pré-installation systématique de Windows sur les PC, on apprend la nouvelle condamnation du constructeur Asus par le Tribunal de proximité de Caen (Hordoir c. Asus, 30 avril 2008) sur le terrain du remboursement des licences logicielles refusées par le client. En attendant le jugement du TGI, cette décision devrait amener les constructeurs informatiques à se montrer plus conciliants en matière de remboursement, sous peine d'être régulièrement poursuivis et condamnés, vu le succès du guide du remboursement récemment publié par l'équipe « Non aux Racketiciels ».
Ce jour, au Tribunal de Grande Instance de Paris, s'est tenue la première audience dans la série de procès opposant l'association de défense des consommateurs UFC Que Choisir et des entreprises accusées de bafouer plusieurs articles du Code de la Consommation, en particulier l'article L.122-1 qui interdit la vente liée.
La plainte de l'UFC Que Choisir
Rappelons ce dont il s'agit : lors de l'achat de l'ordinateur de leur choix, les consommateurs sont généralement forcés d'acquérir simultanément la licence des logiciels pré-installés, alors qu'il serait facile pour les professionnels de dissocier les deux achats, pour un coût marginal [1], ainsi que le recommande le Globalisation Institute, un groupe de réflexion libéral, dans un rapport à la Commission européenne [2]. Cette dissociation résoudrait également les défauts d'affichage des prix et des conditions d'utilisation des logiciels. En outre, elle devrait induire une évolution des licences logicielles, considérées comme inéquitables et contenant des clauses abusives [3].
Encouragé par le Directeur Général de la DGCCRF de l'époque, M. Cerruti, lors d'une réunion tripartite en novembre 2006 [4], ce procès vise à fournir une jurisprudence en matière de vente liée d'ordinateurs et de logiciels. La récente réponse de Luc Chatel à une question écrite confirme cette nécessité : le Secrétaire d'État précise qu'il n'interviendra pas [5].
Nouvelle victoire d'un particulier : la liberté de choisir ses logiciels réaffirmée.
Heureuse coïncidence : la veille de cette audience, un particulier a gagné un nouveau procès au Tribunal de Proximité de Caen. Il a obtenu le remboursement a posteriori des logiciels pré-installés.
Le jugement rappelle au client son droit et sa liberté d'adhérer à tel ou tel système d'exploitation ou d'utiliser d'autres licences et logiciels que les systèmes et logiciels installés par [le constructeur] sur ces ordinateurs.
Un des juristes de l'équipe Non aux Racketiciels qui édite le guide du remboursement, commente : « Les obstacles mis par le constructeur à un remboursement simple, prompt et pour un montant à la hauteur des prix pratiqués sont clairement condamnés par le juge. La pratique d'Asus peut donc s'apparenter à de la vente liée [6]. Les constructeurs, et par voie de conséquence les revendeurs, devront réviser leurs pratiques sous peine de voir les recours se multiplier ».
Il s'agit de la quatrième victoire devant une juridiction de proximité (Rennes, Puteaux, Libourne, Caen). Cette victoire est la première d'une longue série de procédures [7] engagées en suivant le guide du remboursement de http://racketiciel.info/ [8] qui rencontre un vrai succès [9].
Qu'en pensent les consommateurs ?
La pétition Non aux racketiciels
[10] va atteindre les 30 000 signatures, ce qui est surprenant pour un sujet complexe, ayant bénéficié de très peu de reprise dans les médias traditionnels.
Dans le même temps, le rejet de Vista s'amplifie. Le consommateur préfère encore en rester à XP et les constructeurs HP et DELL essaient de trouver des moyens de continuer de faire vivre ce système pour répondre à la demande. Microsoft, de son côté, engrange quoi qu'il en soit le dividende de la licence Vista. Seul le consommateur est perdant : il doit payer pour un logiciel qu'il n'utilise pas !
Le consommateur souhaite-t-il autre chose que les produits de Microsoft ? Avec la vente liée, il a rarement l'occasion de se prononcer. Pourtant, l'EeePC, du même constructeur ASUS, connaît un énorme succès : le public plébiscite une machine originale fonctionnant avec un système d'exploitation libre [11].
Ce que peut faire la Justice
Le pouvoir exécutif est schizophrène. D'un côté, les caisses de l'État sont vides
. De l'autre, d'après nos calculs, l'optimisation fiscale de Microsoft en France, gonflée artificiellement par la vente liée, est de l'ordre du double du coût annuel pour l'État de la carte famille nombreuse de la SNCF. En fermant les yeux sur la vente liée, non seulement l'État agit contre l'intérêt des consommateurs, mais il conforte le monopole de l'éditeur qui occupe 90 à 95% de parts de marché [12]. Une décision de justice claire sur la subordination de vente permettrait de pallier l'inaction de l'État.
Contrairement à ce que prétendent les revendeurs et les constructeurs, les solutions proposées (pré-installation identique pour chaque exemplaire d'un modèle, mais activation sélective à la demande du client) sont d'un coût infime, simples et rapides à mettre en oeuvre [1]. Une décision de justice très claire concernant la vente liée couperait court aux arguments dilatoires des constructeurs.
Enfin, la vente liée illustre un vrai problème français : la loi existe, il suffit de l'appliquer. Une décision de justice très claire concernant la vente liée redessinerait l'esprit de la loi là où il a été érodé par l'influence incessante des constructeurs et des revendeurs pour leur profit exclusif.
En direct du Tribunal de Grande Instance de Paris
L'audience d'aujourd'hui montre que le résultat de cette action repose en grande partie sur la décision du tribunal. On note que les représentants de Darty semblent exonérer le distributeur de ses responsabilités envers les consommateurs, tout comme l'actuel Secrétaire d'État Chatel élude sa responsabilité de ministre [13]. L'AFUL et l'April saluent la qualité de la plaidoirie des représentants de l'UFC Que Choisir, qui s'appuyait notamment sur plusieurs arguments-clés du groupe de travail Détaxe.
Alain Coulais, un des responsables du groupe de travail Détaxe, déclare: « Avec une victoire au Tribunal de Grande Instance, la situation actuelle, défavorable à tous les consommateurs, évoluera vers une optionnalité dès l'achat, avantageuse pour tous les consommateurs et pour l'État. Pour un coût marginal, tous seraient gagnants : la majorité qui souhaite encore acheter une machine avec des logiciels pré-installés, la minorité grandissante qui choisit en connaissance de cause des solutions alternatives telles que GNU-Linux, et ceux qui ont acquis des licences les autorisant à réutiliser les logiciels sur plusieurs machines ».
Références
- Groupe de travail Détaxe : Qu'est-ce que l'optionnalité ?.
- Globalisation Institute : Dégrouper Microsoft Windows.
- National Consumer Council : Les consommateurs qui achètent des logiciels informatiques ont besoin d'une meilleure protection - le NCC appelle l'Union Européenne à colmater des brèches dans la loi.
- PcInpact : Réunion à la DGCCRF sur le thème de vente liée PC et OS.
- Assemblée Nationale, le 18 mars 2008 : Question écrite de Philippe Tourtelier et réponse de Luc Chatel.
- Jugement Hordoir-ASUS du 30 avril 2008 (PDF, 2,9 Mo).
- Communiqué de presse AFUL, April, UFC-QueChoisir et CLCV : Consommation : vers une multiplication des procès pour le remboursement des « Racketiciels ».
- Groupe de travail Détaxe : Guide du remboursement de http://racketiciel.info/.
- ZDNet : Vente liée : le guide de remboursement de Racketiciel est
un succès
. - Groupe de travail Détaxe : pétition
Non aux racketiciels
. - AFUL : Asus EeePC, de nouveaux utilisateurs de logiciels libres.
- Antonio J. Russo : Le rôle de l'État dans la constitution des positions dominantes dans le secteur informatique. LinuxFr : commentaire sur le dossier.
- LinuxFr : Vente liée : Luc Chatel ne fera rien, 9 avril 2008.
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