ACTA : Les USA et la Commission européenne attaquent le logiciel libre

Paris, le 8 septembre 2010, communiqué de presse.

En adoptant ce mercredi 8 septembre 2010 la déclaration écrite 12/2010, le Parlement européen prend position contre l'ACTA, accord « anti-contrefaçon » négocié en secret par la Commission européenne, qui attaque le Logiciel Libre. À l'occasion du débat en séance plénière avec le président Barroso, l'April appelle donc les eurodéputés à agir en demandant le départ de l'Union Européenne des négociations, pour respecter les libertés et la démocratie. En effet, une version fuitée du texte daté du 25 août indique que l'accord en cours de finalisation serait tout aussi dangereux pour les auteurs et utilisateurs de logiciels libres : en renforçant la partie sur les DRM, l'accord viserait à imposer et verrouiller une sorte de « super-DADVSI ».

Contrairement à ce qui avait été annoncé par les négociateurs européens, l'ACTA revient sur nombre d'acquis fondamentaux des utilisateurs de logiciels libres en Europe. Le texte transpose à l'échelle internationale la vision la plus restrictive du droit américain du copyright, qui limite les libertés et consacre les monopoles au détriment de l'interopérabilité et du libre choix des utilisateurs.

Parmi d'autres mesures, le texte promeut dans son article 2.18 l'interdiction généralisée du contournement des verrous numériques. Il accorde aux auteurs ou aux producteurs le droit d'imposer toutes les restrictions d'usage, ce qui comprend non seulement celles prévues par le droit d'auteur (copie, etc.) mais ne pose virtuellement aucune limite : cela permet d'imposer par exemple un lecteur précis, une plate-forme, une connexion à internet, etc. En d'autres termes, ce texte donnerait un blanc-seing aux producteurs de contenus numériques pour réglementer tout l'écosystème des œuvres numériques. « La protection juridique des DRM signifie que le législateur délègue à Apple, Microsoft et aux industries du divertissement, non seulement la mission de faire appliquer le droit, mais en plus celle de décider quel droit sera appliqué, et ce sans aucun contre-pouvoir, ni recours. » souligne François Poulain, administrateur de l'April.

Ceci revient donc à protéger par la loi l'informatique déloyale1 et à criminaliser le contournement des DRM à des fins d'interopérabilité. Par ailleurs, alors que la France reconnaît l'importance de l'exception de décompilation2, le texte actuel de l'ACTA interdit tout contournement3, y compris pour des usages légaux : les utilisateurs de logiciels libres risquent de ne plus pouvoir utiliser les programmes de leur choix, au mépris des lois votées en France et en Europe.

En somme, ce que propose l'ACTA n'est rien d'autre que l'exportation du système américain dans le monde entier. Alors que le DMCA4 pose des freins à l'innovation et aux droits des consommateurs à un point tel que des exemptions sont prévues pour les cas les plus inacceptables5, les États-Unis souhaitent imposer un système similaire au niveau international au détriment de la liberté des usagers des technologies numériques et du logiciel libre en particulier.

« La négociation du DMCA américain avait fini par imposer la directive EUCD en 2001 et la loi DADVSI en 2006. Si l'Union européenne avait réalisé une étude d'impact de la directive, elle se serait aperçue qu'elle n'avait engendré que des législations inapplicables et inadaptées. Au lieu d'analyser les erreurs du passé, l'Europe préfère, avec l'ACTA, les répéter quitte à menacer gravement l'interopérabilité et l'exception de décompilation, pourtant essentielles à l'innovation et à la libre concurrence. » analyse Jeanne Tadeusz, responsable des affaires publiques à l'April. « De plus, les discussions se déroulent hors de tout contrôle démocratique6. La Commission européenne ignore systématiquement les demandes de transparence du Parlement européen et de la société civile, minimisant la portée du traité. Pourtant, le médiateur des droits européens a clairement souligné que l'ACTA pourrait avoir des conséquences législatives importantes.7 »

« Alors que la déclaration 12 vient d'être adoptée par le Parlement européen, il n'est plus possible pour la Commission d'ignorer les demandes légitimes des citoyens et de leurs représentants », conclut Tangui Morlier, président de l'April. « L'April appelle donc la Commission européenne à quitter la table des négociations de l'ACTA : la liberté d'utiliser les outils numériques ou l'interopérabilité ne sauraient être négociés en secret, en contournant la démocratie, mais doivent être débattus démocratiquement ».

Sur le sujet, voir aussi le communiqué de la Quadrature du Net

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