Accord UE/Microsoft sur l'intéropérabilité : qui sort gagnant ?

Paris, le 23 octobre 2007. Communiqué de presse.

L'APRIL appelle à la plus grande vigilance suite à l'annonce par la Commission européenne de la conclusion d'un accord avec Microsoft qui accepterait de se conformer aux obligations qui lui sont imposées dans le cadre de sa condamnation de 2004 pour abus de position dominante. Seule une étude approfondie de l'accord, non disponible pour le moment, pourra dire si la signature de cet accord n'est pas une victoire à la Pyrrhus pour la Commission, l'interopérabilité et la concurrence. En tout cas, les déclarations de la Commission semblent donner un feu vert à la reconnaissance des brevets logiciels en Europe.

Suite à la condamnation de Microsoft par les instances européennes [1], la Commission vient d'annoncer les « mesures concrètes » qui devront être mises en place par la firme de Redmond pour permettre à ses concurrents d'avoir accès aux informations essentielles à l'interopérabilité. [2]

Ces grandes lignes ne sont pas suffisantes : l'APRIL s'étonne que les termes de l'accord entre Microsoft et la Commission ne soient pas encore publics. En effet, seule une étude approfondie permettra de savoir jusqu'où Microsoft joue le jeu de la Commission Européenne.

En tout état de cause, l'APRIL déplore le tarif de 10 000 euros imposé à tous, qui ne prend pas en compte la réalité du tissu économique du Logiciel Libre en particulier et de l'industrie logicielle en général, essentiellement composé de PME.

Par ailleurs Microsoft continue de brandir ses brevets logiciels. Les brevets logiciels comme on peut le constater aux États-Unis ne profitent qu'aux firmes en position dominante, qui les utilisent comme arme de guerre économique pour geler les activités innovantes de leurs concurrents. Les PME du logiciel (libre ou propriétaire) étant juridiquement moins bien armées que les multinationales, ce sont les premières à souffrir des brevets logiciels. Le principe même de cette pratique est donc en soi condamnable. L'APRIL critique ainsi la décision de la Commission, qui, d'après les propres mots de Neelie Kroes [3] propose de payer une somme forfaitaire pour utiliser les traitements et formats de données brevetés, quand bien même on contesterait la validité de ces brevets logiciels. « Cette déclaration légitime politiquement la pratique de l'Office européen des brevets de délivrer, malgré la législation, des brevets sur des logiciels » a déclaré Benoît Sibaud, président de l'APRIL.

Enfin on ne sait rien de la pérennité de tels accords, ni des conditions de licence ou de confidentialité qui sont ou non imposées dans ce cadre. Une restriction d'utilisation des licences, par exemple pour empêcher la redistribution par un tiers d'une version modifiée d'un logiciel concurrent (ainsi que le permet la licence GPL), ou bien une clause de non-divulgation, suffiraient à fermer définitivement la porte au Logiciel Libre.

« Mais au-delà de la question de l'interopérabilité, c'est l'ensemble des pratiques anti-concurrentielles de Microsoft auxquelles il faut remédier. Par exemple, la vente liée pratiquée systématiquement sur les PC neufs est également un abus de position dominante, qui a des effets très néfastes sur la concurrence et pénalise injustement les consommateurs - sans que ces derniers en aient conscience, les prix des logiciels n'étant pas affichés » a déclaré Frédéric Couchet, délégué général de l'APRIL. En effet, et alors que Microsoft détient déjà 95% de parts du marché grand public, il est presque impossible de se procurer aujourd'hui un PC neuf sans que Windows y soit préinstallé. Mettre fin à cette pratique, qui interdit à toute concurrence de s'immiscer, permettra à d'autres offres de pénétrer un marché où l'absence de diversité est criante. De plus, il est indéniable que des PC à des prix plus bas permettraient aux consommateurs de s'équiper mieux et plus facilement en matériel informatique.

L'APRIL invite donc la Commission Européenne à être vigilante sur les conditions que Microsoft imposera à ses concurrents pour la mise en oeuvre de l'interopérabilité. La logique qui a amené la Commission à condamner la vente liée de Windows Media Player doit également être menée à son terme, pour lever l'obstacle à la concurrence qu'est la vente liée de logiciels avec des ordinateurs neufs.

L'APRIL enfin demande à la Commission européenne de faire exécuter l'ensemble des sanctions qu'elle a prononcées à l'encontre de Microsoft, et qui ont été confirmées par la Cour de justice des communautés européennes, y compris les astreintes pour non-respect de sa décision. Il serait inacceptable qu'une firme qui a violé les règles de la concurrence européenne, en toute connaissance de cause et pendant plusieurs années, voie ses sanctions financières revues à la baisse.

Références

[1] Antitrust: la Commission se félicite de la confirmation par le TPI de sa décision sanctionnant deux abus de position dominante dans l'affaire Microsoft

[2] Antitrust: Commission ensures compliance with 2004 Decision against Microsoft

[3] Neelie Kroes European Commissioner for Competition Policy Introductory remarks on Microsoft's compliance with March 2004 antitrust decision
« That percentage royalty has become a nominal, one-off payment of ¤ 10 000. This is all that has to be paid by companies that dispute the validity or relevance of Microsoft's patents ».

Antitrust: Commission ensures Microsoft's compliance with the 2004 Decision - frequently asked questions

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Frédéric Couchet, délégué général, fcouchet@april.org +33 6 60 68 89 31